CRITIQUE FILM - Deux ans après avoir remporté l’Oscar du meilleur réalisateur pour "La La Land", Damien Chazelle retrouve Ryan Gosling pour First Man, un biopic sur l’astronaute Neil Armstrong, le premier homme à avoir marché sur la Lune.
De tout temps, la Lune a fasciné l’humanité. On l’observe d’en bas, en se projetant dans ses multiples cratères en imaginant qu’un jour, un homme a foulé ce sol pour la première fois. Aussi étrange que cela puisse paraître, First Man est le tout premier film consacré à Neil Armstrong, qui a longtemps refusé de confier ses mémoires. Heureusement pour nous, il l’a fait en 2005 lors d’une rencontre avec l’auteur James R. Hansen, qui a publié son récit. Le film de Damien Chazelle écrit par Josh Singer est basé sur cet ouvrage.
Entre la Lune et la cuisine
En s’attaquant à la vie de Neil Armstrong, Damien Chazelle s’attaque à un monument de l’Histoire de l’humanité. Ces images en noir et blanc du premier Homme sur la Lune font partie de l’imaginaire collectif et pourtant, derrière sa combinaison blanche, la vie de Neil Armstrong nous échappe. Qui était-il vraiment ?
Avec First Man, le scénariste Josh Singer a fait le pari de l’intime. Se déroulant sur une période de huit ans (de 1961 à 1969), le film revient sur les années qui ont précédé cet alunissage légendaire, pour mieux entraîner le spectateur dans l’intimité de Neil Armstrong. On découvre un homme simple, marié et père de trois enfants, passionné d’aéronautique et travailleur acharné. Damien Chazelle a choisi de filmer les longues scènes de vie de famille en pellicule 35mm pour mieux en faire ressortir la chaleur et l’authenticité. À ces moments heureux, vient rapidement succéder le deuil, celle de sa fille de 3 ans, emportée par un cancer. Cet événement tragique va servir de catalyseur durant toute la durée du film, et permettra de mettre en exergue les combats intérieurs qui rongent Neil Armstrong et qui le guideront jusqu’à l’inconnu. De mission spatiale, Apollo 11 devient alors une odyssée intime, celle d’un homme brisé, d’un père en quête de réponses. Souvent moqué (à tort) pour son manque d’expressivité, Ryan Gosling délivre ici une prestation d’une grande justesse, entre dignité d’un homme blessé et dévouement de l’astronaute.
Sauter dans le vide
Pour la première fois de sa (jeune) carrière, Damien Chazelle quitte la Terre pour s'élever au dessus de l'atmosphère, mais il n'en oublie pas son objectif principal : filmer l'homme derrière le scaphandre. Que ça soit pendant les séquences d'entraînement ou lors des vols dans l'espace, nous sommes toujours avec Neil Armstrong. Les plans serrés sur son visage anxieux, presque paniqué dans le vaisseau, la caméra tremblante et le bruitage sonore immersif nous donnent parfois l'impression d'être dans un documentaire. Ces séquences sont impressionnantes et témoignent de l'extrême dangerosité que représentait cette mission, au cours de laquelle un boulon mal serré pouvait transformer le vaisseau en cercueil. L'ombre de la mort plane d'ailleurs tout au long du film : du deuil impossible de l'enfant disparu, à cette mission qui aurait pu tourner au drame.
Du format pellicule 35mm destiné aux séquences sur Terre, Damien Chazelle passe à l'IMAX pour filmer l'espace et ainsi contraster avec le sentiment de claustrophobie propre au vaisseau spatial qui s'apparentait à l'époque à une boîte de sardines. Comme dans La La Land et Whiplash, Damien Chazelle construit son film crescendo jusqu'à atteindre un climax terrassant. Il s'agit dans ce cas des premiers pas sur la Lune, qui prennent alors une dimension émotionnelle immense. Aucun son n'émane de cette scène, si ce n'est la respiration de Neil Armstrong, seul élément qui le renvoie à son statut d'être humain au milieu de cette infinité silencieuse. Cet instant, qui fait partie de l'histoire de l'humanité mais qui au final n'appartient qu'à lui, est renforcé par le lever de Terre qui se reflète sur son casque, comme autant de souvenirs de cette vie passée remplie de sacrifices qui l'ont conduit à cette instant précis. D'universelle, cette séquence devient intime, et l'astronaute baisse sa visière pour laisser transparaître l'homme derrière.
First Man a été critiqué pour ne pas avoir montré la scène de Neil Armstrong plantant le drapeau américain sur le sol lunaire, mais nous comprenons après avoir vu le film que son intérêt est ailleurs. Au lieu du drapeau, c’est un bracelet que Neil Armstrong déposera sur l’astre, et la puissance émotionnelle que dégage cette séquence est bien plus intense que tous les drapeaux du monde.
First Man arrivera le 17 octobre dans les salles. Découvrez ci-dessus la bande-annonce.