CRITIQUE / AVIS FILM : « Gaspard va au mariage », troisième long-métrage d’Antony Cordier avec Félix Moati et Laetitia Dosch, voit rayonner une famille d’originaux à la tête d’un zoo.
Sous fond de pop aux sonorités anglaises signée Mademoiselle K (R U Swimming), Gaspard (Félix Moati), Coline (Christa Théret) et Virgil (Guillaume Gouix) entament une chorégraphie d’une simplicité élégante. Vient alors la rupture. Max (Johan Heldenbergh) coupe court à ces enfantillages, préférant danser sur un slow pour son mariage. Arrive Laura (Laetitia Dosch) dans une robe de mariée trop grande, qui entame cette fois une danse lancinante avec Gaspard, sous le regard noir de Coline.
Ces quelques minutes, qu’on découvre dans la première moitié de Gaspard va au mariage, sont probablement les plus évocatrices du sentiment que provoque le nouveau film d’Antony Cordier (Happy Few, Douches froides). Une délicate euphorie aux tons changeant, dans laquelle on se laisserait volontiers submerger. Un rayon de soleil même, qui en ces temps moroses, offre une belle fraîcheur. Car, assurément, Antony Cordier a décidé de ne pas se brider. Mais bien d’oser toutes les folies pour s’adapter à la famille « d’originaux » qu'il filme.
Cette famille, c’est celle de Gaspard donc, qui doit se rendre au nouveau mariage de son père. En chemin, il rencontre par hasard Laura, une jeune femme un peu paumée qui agit sur des coups de tête. Ainsi, elle accepte d’accompagner le garçon et de se faire passer pour sa petite amie auprès des membres de sa famille.
Une tendre extravagance
Jusqu’ici, on pensait tenir le pitch d’une comédie romantique américaine vieille de bien deux décennies. Mais comme Laura, on était bien loin du compte avec Gaspard va au mariage, et pas au bout de nos surprises. La famille de Gaspard vit dans un zoo. Virgil, son frère, tient comme il peut l’affaire. Peggy (Marina Foïs), sa future belle-mère, s’occupe des bêtes, pendant que Max, le père, panique à l'idée de devoir couper les ponts avec ses anciennes conquêtes. Vient alors Coline, la sœur, qui se comporte comme un ours dont elle porte la fourrure sur le dos, et entretient une relation limite incestueuse avec son frère.
Alors qu’elle semblait être la plus curieuse (dans le sens d’étrange), Laura se révèle finalement la représentante d’une certaine normalité en adoptant en premier lieu une forme de rejet, dû à des principes inculqués par la société. Par elle, Antony Cordier questionne ainsi les idées reçues peu clémentes envers la différence, les a priori et les jugements envers ce qui s'éloigne de la norme. Toute cette thématique se retrouve d’ailleurs condensée dans les mots de Marina Fois, expliquant au sujet de la relation fusionnelle de Gaspard et Coline – qui prendra fin avec l’émancipation de la jeune fille – que ce n’est pas ça « qui risque de menacer l’espèce ».
En cela, le réalisateur parvient à prôner une forme d’ode à la différence et à la tolérance, sans tomber dans une complaisance maladroite ni bien-pensante. Ces éléments ne faisant qu’enrichir une histoire amusante qui trouve son originalité dans ses personnages qu’il aborde avec une grande tendresse.
Comédiens et comédiennes au diapason
Gaspard va au mariage fait partie de ces œuvres délicates à aborder pour un réalisateur. Un film qui, en un rien, pourrait s’écrouler en basculant dans le grotesque. Mais c’était sans compter sur l'excellence de Félix Moati et Laetitia Dosch. Qui d’autre que ce duo aurait pu incarner avec autant de justesse de tels personnages ? Et entonner avec un tel naturel des dialogues aussi bien ficelés ? Ici, tout est question de ton, permettant à toutes les folies de rester crédibles. On ne s’étonne alors plus de voir Félix Moati renifler l’arrière du genou de sa partenaire.
On savait depuis longtemps que l’acteur, sous ses airs de jeune Belmondo, était l’un des comédiens les plus intéressants de ces dernières années en France. De son côté, Laetitia Dosch confirme avec une aisance déconcertante après sa découverte fracassante dans Jeune Femme. Et si tous deux tiennent les premiers rôles, on n’en oubliera pas Guillaume Gouix et sa sensibilité dévoilée, et à l’inverse Christa Theret, qui quitte sa douceur naturelle pour une bestialité étonnante. Ainsi, c’est bien la réunion d’un casting, disons-le, parfait, et d'un réalisateur audacieux qui fait le combo gagnant de Gaspard va au mariage pour donner vie à ce singulier portrait de famille, à l’absurdité émouvante.
Gaspard va au mariage d'Antony Cordier, en salle le 31 janvier 2017. Ci-dessus la bande-annonce.