CRITIQUE / AVIS FILM - Huit ans après "Chappie", Neill Blomkamp est de retour au cinéma avec "Gran Turismo". Un film de sport généreux, basé sur l'histoire de Jann Mardenborough, prodige du jeu vidéo devenu pilote automobile.
Gran Turismo : Neill Blomkamp est de retour
Depuis 2015 et la sortie de Chappie, Neill Blomkamp a disparu des salles obscures. Le cinéaste n'a pas chômé, loin de là, ayant notamment planché sur un cinquième opus de la saga Alien finalement annulé et sur plusieurs courts-métrages de la série Oats Studios, parmi lesquels figurent les surprenants Rakka et Zygote. En 2021, il revient au format long avec Demonic, un film d'horreur affligeant, laid et bête. De quoi sonner la fin prématurée du réalisateur prometteur de District 9 et Elysium ?
La présence de Neill Blomkamp aux commandes de Gran Turismo semblait confirmer les craintes autour du décès artistique d'un cinéaste doté d'un univers singulier, les adaptations de jeux vidéo n'étant pas le plus beau cadeau que l'on ait pu faire au septième art. Mais le réalisateur n'est ni Uwe Boll (House of the Dead, Alone in the Dark), ni John Moore (Max Payne). Et si son nouveau film est loin d'être le projet le plus original de sa carrière et que certains le taxeront de gigantesque publicité (ce que sont également Super Mario Bros, le film et Barbie, les deux plus gros succès de l'année), il n'est en rien le désastre que l'on pouvait redouter au vu d'une première bande-annonce et d'une affiche particulièrement fades.
Du simulateur aux circuits
Gran Turismo n'est pas une adaptation de jeu vidéo comme les autres voulant simplement proposer un spectacle rutilant et vrombissant, à l'image de Need for Speed. Pour faire honneur à la précision et au réalisme du simulateur de course créé par Kazunori Yamauchi en 1997, les scénaristes Jason Hall (American Sniper) et Zach Baylin (La Méthode Williams, Creed III) se sont basés sur l'histoire vraie de Jann Mardenborough. En se focalisant sur le parcours de ce prodige du jeu devenu pilote, les auteurs réussissent à exploiter tout l'aspect hors norme de son extraordinaire ascension. Du début à la fin, Gran Turismo s'assume ainsi comme un pur film de sport, une montée en puissance dans la lignée de Rocky, Le Grand défi ou le très sympathique Une famille sur le ring.
Une success story au cours de laquelle le jeune homme incarné par le convaincant Archie Madekwe parvient à intégrer la GT Academy, programme créé par Danny Moore (Orlando Bloom), directeur marketing chez Nissan. Une fois au centre de formation offrant la possibilité à des simracers de devenir de vrais pilotes, Jann doit se démarquer et devancer les neuf autres participants encadrés et entraînés par l'ingénieur Jack Salter (David Harbour, étonnamment sobre). Le grand gagnant doit ensuite se battre pour obtenir sa licence professionnelle afin de participer à des circuits légendaires, dont celui du Mans, et tenter de devenir "immortel".
Dépassement de soi, conflits avec des proches qui contestent une vocation, moqueries de la part de professionnels du milieu qui ne prennent pas le héros au sérieux, adversaires arrogants prêts à tout pour gagner, échecs desquels il faut se relever... Gran Turismo coche toutes les cases des étapes obligatoires des longs-métrages sportifs et le fait sans ironie, au premier degré et avec un profond respect pour ses deux personnages principaux, Jann et Jack, ce qui le rend incroyablement prenant et parfois touchant.
Un spectacle galvanisant et sans temps mort
S'il hérite donc d'un récit balisé qui a tout pour plaire aux amateurs du genre, Neill Blomkamp réussit tout de même à amener sa touche à un blockbuster pourtant à mille lieues de son cinéma. Il rappelle avant tout qu'il est un prodige des effets spéciaux, retranscrivant la sensation d'immersion que peut procurer le simulateur en reconstituant un véhicule dans la chambre de Jann. Et lorsque ce dernier se retrouve sur un circuit, il inverse le procédé en désassemblant un véhicule, plongeant ainsi le spectateur dans la concentration du héros, qui doit faire preuve de la même témérité que sur le simulateur.
Le cinéaste s'amuse aussi à emprunter des éléments visuels des jeux vidéo pour les glisser dans les courses, indiquant par exemple toujours où le personnage se place par rapport à ses concurrents. Il multiplie également les mouvements aériens virevoltants, soutenu par un montage qui ne se contente pas de sublimer les accélérations mais qui s'attarde aussi sur les freinages essentiels ou les chocs parfois très violents. Ce soin apporté à la mise en scène permet de véritablement comprendre les émotions et l'adrénaline du protagoniste, propulsé sur des circuits où il risque sa vie et où il n'a d'autre choix que de tout maîtriser, en ne laissant aucune place à l'inattention.
Un personnage auquel le spectateur s'attache, prenant plaisir à voir les courses s'enchaîner à l'aide d'ellipses savamment utilisées, qui maintiennent le rythme et l'intensité. À l'arrivée, lorsque le film se termine sur l'incontournable morceau God Moving Over the Face of the Waters de Moby (qui ponctuait déjà Heat), le spectateur s'aperçoit qu'il n'a pas vu les deux heures défiler.
Gran Turismo de Neill Blomkamp, en salles le 9 août 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.