CRITIQUE FILM - En course pour la Caméra d’Or, Vanessa Filho vient présenter son premier long-métrage à Un Certain regard, « Gueule d’ange » avec, en guest-star, Marion Cotillard. Cette dernière y incarne une mère délaissant sa fille du jour au lendemain.
Gueule d’ange débute sur un mariage qui sent vite le poisson pas frais. Marlène (Marion Cotillard), jeune mère de la petite Elli (Ayline Aksoy-Etaix), surnommée Gueule d'ange, se maquille dans la salle de bain en compagnie de sa meilleure amie. Au milieu de quelques chansons improvisées et des applaudissements de politesse, on apprend que Marlène en est à son cinquième mari. Quelques heures plus tard, là voilà déjà en train de tromper son nouvel époux dans les cuisines d’une sinistre salle des fêtes. Alors que plusieurs mois ont passé, seule avec sa fille qu’elle néglige complètement, Marlène tente de se remettre sur pied entre deux émissions des Princes de l’amour. Lorsqu’elle fait la rencontre d’un homme un soir en boîte de nuit, elle décide de planter sa fille du jour au lendemain.
Le saut de l'ange
Ce premier film de Vanessa Filho s’appuie ainsi sur l’idée d’un saut dans le vide. Le vide laissé par la mère absente dans l’appartement qu’occupe désormais seule la petite Elli. Mais aussi le vide laissé par ce père qu’elle n’a jamais connu, et qu’elle va chercher à remplacer avec un ex-champion du plongeon en mer (Alban Lenoir), qui s’est rangé depuis son opération du cœur. Mais ce premier film de Vanessa Filho, en s’appuyant, justement, sur le vide et la solitude entourant la petite Elli, va tenter maladroitement de le combler en tirant de toutes les situations possibles une vision symbolique censée illustrer le destin de la néo-orpheline.
Celle-ci est en ce sens choisie parmi ses camarades de l’école pour incarner, à l’occasion du spectacle de fin d’année, la petite sirène qui, depuis le fond de l’océan dans lequel elle est condamnée, « rêve de voir le monde d’en haut » : Elli est ainsi une sirène, amputée de jambes qui lui permettent d’avancer. Mais Elli est aussi un ange, avec sa « gueule » juvénile et pleine de lumière, et donc elle peut voler. Comprenez bien : Elli, malgré les difficultés et son penchant étonnant pour l’alcool et les fonds de verres, va tenter, coûte que coûte, de faire battre ses ailes fébriles, quitte à tomber lors d’un saut de l’ange fatidique, qui menace d’arriver d’un instant à l’autre.
Le vol d'Icare
Ce parallèle fait entre la dureté d’un réel insoutenable et injuste (une innocente est délaissée et livrée à elle-même) et des aspirations fantasmagoriques aux connotations mythologiques (Icare qui se brûle les ailes et tombe dans la mer), a tendance à surligner la marginalité de la petite Elli. Oui, Elli est une enfant bafouée, un freak que ses petits camarades ostracisent. Oui, sa mère, elle aussi, est une inadaptée : elle renonce à s’inscrire au Pôle Emploi en voyant qu’entre elle et leurs locaux se dresse une route infranchissable, où camions et scooters la klaxonnent sans cesse au regard de ses courbes mises en valeur par ses tenues fluorescentes. Dans Gueule d'ange, le sens véhiculé par chaque scène nous est, à l'image de celle-ci, martelé sans vraiment de subtilité.
L’esthétique pop et rose-bonbon ne fait qu’exacerber ce réalisme symbolique là, qui parfois fonctionne, mais souvent tombe à l’eau. Un cœur dessiné au feutre de couleur sur le buste du jeune homme qui recueille la jeune Elli, et voilà que l’alchimie opère. Une déception douloureuse noyée dans l’alcool fournit par les petites frappes du coin jusqu’au coma, et voilà qu’ Elli doit subir un énième acharnement scénaristique gratuit. On aurait simplement aimé que Vanessa Filho mette de côté son stabilo rose et s’en tienne au crayon à papier, histoire de coller un peu plus avec l’émotion fine, ici noyée sous les gros traits d’un scénario qui dégouline.
Gueule d'ange, présenté en compétition à Un Certain Regard à Cannes, sortira le 23 mai en salles. Ci-dessus la bande-annonce.