CRITIQUE FILM - Halloween de David Gordon Green signe le grand retour de Michael Myers sur nos écrans, quarante ans après le film original de John Carpenter.
Sorti dans les salles il y a quarante ans, Halloween de John Carpenter est un monument du genre horrifique. Nous découvrions pour la première fois le personnage de Michael Myers, un dangereux psychopathe sans âme, qui commis son premier meurtre sur sa soeur à l'âge de six ans. Ce premier film sonna le coup d'envoi d'une saga qui compta au total dix longs-métrages (dont certains carrément oubliables). Et alors que l'on ne s'attendait absolument plus à son retour, le producteur Jason Blum annonça en 2016 un onzième film mettant en scène Michael Myers. Réalisé par David Gordon Green et produit par John Carpenter himself, qui se charge également de la bande-originale, ce nouveau chapitre de la saga Halloween a la particularité d'être une suite directe du premier volet et d'ignorer les autres suites.
On retrouve donc Laurie Strode (toujours interprétée par Jamie Lee Curtis), quarante ans après cette terrible nuit d'Halloween au cours de laquelle Michael Myers avait essayé de la tuer à de multiples reprises. Traumatisée, Laurie vit avec la certitude que Michael, emprisonné depuis 40 ans, va s'échapper de prison et la retrouver. Alors pour se défendre, elle s'est construit une véritable forteresse : portes blindées, panic room, armes à feu, quitte à s'éloigner de sa famille, et notamment de sa fille, Karen (Judy Greer) et de sa petite-fille, Allyson (Andi Matichak). Le cauchemar prend vie lorsque Laurie apprend que Michael s'est évadé de prison après que le bus qui transportait des détenus dangereux a eu un accident.
Le retour du Mal absolu
La réussite du chef-d'oeuvre de John Carpenter devait beaucoup au personnage de Michael Myers, qui incarnait le Mal véritable : un individu qui ne possédait aucune once d'humanité en lui et qu'aucun traitement ne semblait capable de soigner. Son docteur de l'époque (le célèbre Loomis) avait d'ailleurs dit à son propos que la seule façon de s'en protéger était de l'enfermer à vie. Contrairement à de nombreux films d'horreur qui tendaient à suranalyser leurs maléfiques protagonistes, le personnage de Michael n'était rien de plus que l'incarnation pure et simple du mal : un individu dangereux qui tuait sans mobile, sans état d'âme et surtout sans paroles. Sa seule motivation était, semble-t-il, de voir ses victimes mourir sous ses yeux, après les avoir sauvagement assassinées. C'est ce profil, terriblement angoissant, qui faisait toute la force du film de Carpenter. Par la suite, le personnage de Michael a été malmené, et les différentes suites ont tenté d'expliquer son comportement avec des ficelles scénaristiques pas forcément très fines, qui, au fil du temps, ont enlevé toute l'aura dangereuse qui entourait la figure de Michael.
Pour son film, David Gordon Green revient aux bases : Michael Myers n'a jamais été si terrifiant.
Annoncé comme une suite directe du premier volet, cet Halloween se devait de respecter le personnage créé par John Carpenter et Debra Hill en 1978 pour être cohérent. C'est chose faite. Si Michael Myers est vieillissant (lorsque nous le découvrons pour la première fois sa peau est marquée, ses cheveux blancs), il n'a rien perdu de son aura terrifiante. Il est imposant, paraît même immense lorsqu'il est filmé en contre-plongée. Il suffit que David Gordon Green utilise la même ruse que John Carpenter (le filmer uniquement de dos) au début du film pour faire naître l'effroi chez le spectateur. Nous ne verrons jamais son vrai visage, comme pour préserver son mystère.
Après s'être évadé de prison et avoir récupéré son masque, Michael reprend sa traque de Laurie, objet de son désir macabre, comme si elle n'avait jamais quitté son esprit.
Ses nouveaux meurtres apparaissent encore plus violents qu'il y a 40 ans, comme si toute sa brutalité avait été retenue en lui pendant toutes ces années et qu'il pouvait se libérer enfin. David Gordon Green n'épargne rien à ses spectateurs, et c'est tant mieux. Les scènes de meurtres sont à l'image de Michael : froides, mécaniques, et d'une violence parfois insoutenable. Comme dans le film d'origine, ses victimes ne répondent à aucun schéma, si ce n'est d'être simplement sur sa route : hommes, femmes, et parfois même enfants, les corps s'amoncèlent sur son passage jusqu'à le ramener, enfin, auprès de Laurie.
Vivre ou survivre
Scream queen par excellence du premier volet qui lança la carrière de sa jeune actrice, Jamie Lee Curtis alias Laurie Strode, se glisse pour la toute dernière fois dans la peau du personnage qui l'avait révélée en 1978. Sauf que cette fois-ci, elle ne crie plus qu'intérieurement. Le fait de la retrouver quarante ans plus tard, traumatisée par les événements, apporte une dose de crédibilité au film. En effet, comment vivre, sinon survivre, après avoir vécu un tel calvaire ? Cette nuit d'Halloween a profondément modifié le cours de son existence et par extension, sa vision du monde. Encore lycéenne au moment du drame (l'âge qu'a sa petite fille dans le film), sa confrontation avec Michael a mis fin à toute innocence et l'a confrontée de plein fouet à tout ce qu'il y a de plus mauvais en l'Homme. Dès lors, elle n'a plus cherché à vivre, mais à survivre. Par peur d'être de nouveau plongée dans ce cauchemar, elle s'est barricadée, au propre comme au figuré, et a adopté un monde de vie se rapprochant de celui des survivalistes, qui vivent dans la peur de la fin du monde. Adolescente pleine de vie dans le premier volet, on la retrouve 40 ans plus tard marquée physiquement et renfermée sur elle-même. Sa maison d'Haddonfield, symbole typique de la banlieue calme américaine a laissé place à une forteresse, ultime rempart contre Michael. Le personnage de Laurie est sans équivoque la grande force de ce film, par son écriture évidemment, mais également par l'interprétation de Jamie Lee Curtis, qui y apporte une dose de mélancolie.
C'est également cette profondeur, qui caractérisait l'oeuvre de Carpenter, et qui était totalement absente des autres films de la saga, qui permet à cet Halloween de retrouver ses lettres de noblesse. Car c'est avant tout un drame, sur l'impossible apaisement d'une âme meurtrie par le mal, qui ne doit ses quelques instants de répit qu'à la surprotection qu'elle s'inflige et qui l'a peu à peu coupée du reste du monde.
Le retour de Michael lui permet finalement de renouer avec le réel, car partagé avec ses proches qui ne la considèrent dès lors plus comme une paria. Elle s'impose alors comme la protectrice, la gardienne de sa famille, qui donnera tout pour les protéger du mal absolu, symbolisé par le personnage de Michael.
Du fan service intelligent
Comme tout nouveau chapitre d'une saga déjà existante, David Gordon Green ne pouvait pas échapper au traditionnel fan service. Mais il le fait de façon intelligente. À la manière de John Carpenter qui a remixé son titre iconique, le thème principal reste le même, mais les variations l'ancrent définitivement dans la modernité. Vous retrouverez par exemple des clins d'oeil à des scènes cultes du premier film, qui, sans être poussives, permettent de témoigner du respect du réalisateur et des scénaristes à l'égard de l'héritage laissé par Carpenter.
Des éléments iconiques du premier volet, comme la figure de la baby-sitter ou l'utilisation de la steady cam pour suivre Michael, sont également présents, et permettent au film de s'inscrire parfaitement dans la continuité du film originel.
Halloween de David Gordon Green en salles le 24 octobre. Ci-dessus la bande-annonce.