CRITIQUE FILM - Avec "Hostile" Mathieu Turi parvient à livrer dans un film de zombi un mélodrame puissant au suspenses implacable.
Hostile est un film qui mélange deux genres : le film de zombi post-apocalyptique et le mélodrame. Un mixte inhabituel, mais l’audace du réalisateur s’avère totalement payante et donne une œuvre pleinement rafraîchissante.
Hostile présente un monde en ruine après une catastrophe inconnu, où les quelques survivants doivent se battre pour subsister. Juliette fait partie d’un petit groupe armé bien organisé. Ceux-ci ne sortent que le jour, car la nuit des zombis errent et le danger est plus grand. Alors qu’elle s’apprête à rentrer, elle est victime d’un accident de camion et se retrouve blessée et coincée dans son véhicule. Elle passe une nuit sous la menace d’un zombi qui l’a repéré. Mais alors qu’elle cherche à survivre et pensant qu’elle vit ses dernières heures, elle se commémore sa vie d’antan avant la catastrophe.
Un concept simple, mais qui marche parfaitement
D’emblée, la situation fonctionne. Le spectateur est plongé dans un monde post apocalyptique après une catastrophe, un peu à la Mad Max. Le personnage de Juliette (Brittany Ashworth) est montré comme une combattante qui n’a pas peur de grand-chose, une survivante. Mais derrière ce visage dur et fermé, il y a l'envie d’en savoir davantage sur elle. L’accident et le huis clos dans le camion offrent le prétexte idéal. Le blocage dans ce lieu confiné va permettre de présenter la vie de cette femme au spectateur, qui en quelque sorte se confie à lui. Ce lieu fermé constitue le motif d’un vrai rapprochement avec le personnage.
L’intérieur du véhicule permet également un suspense fort, où l'identification avec Juliette se fait rapidement. Mais en même temps qu’on la découvre, sa vie est menacée à chaque instant, et celle-ci ne tient pratiquement qu’à un fil vu sa situation précaire. On se dit alors qu’il ne s’agit que d’une question de temps pour elle, et l’empathie est totale.
Un vrai suspense
Hitchcock, dans ses entretiens avec Truffaut, prenait comme exemple pour illustrer le suspense, une scène où des protagonistes ont une discussion, tandis qu'une bombe dissimulée sous une table est montrée aux spectateurs. Ces derniers sont donc englobés dans le suspense par l’information qu’ils détiennent.
Mathieu Turi applique parfaitement le suspense hitchcockien et y intègre pleinement son spectateur. Ce dernier reçoit des éléments de la vie de Juliette, dont une belle histoire d’amour. Plus celle-ci avance, plus on souhaite en savoir davantage, et plus on a l'envie qu’elle s’en sorte. La menace est connue : un zombi l’a repéré et essai de rentrer dans le camion. Tout au long du métrage, cette menace se ressent. De plus, l’enferment et le cloisonnement ajoutent au stress et à la tension de l’œuvre. Totalement intégré à l’histoire, le spectateur se laisse facilement emmener. Et de l’autre côté, il y a le souhait de découvrir comment cette histoire d’amour a évolué, sans jamais savoir si celle qui la raconte va pouvoir continuer à le faire. Le film est pris tout entier dans cette incertitude, et c'est là sa force.
Un mélange des genres : l’audace payante du film
En plus de mélanger le film post-apocalyptique et le mélodrame, Hostile se veut aussi un film intimiste qui fait la jonction. Un monde détruit, des zombis qui rôdent, une humanité qui cherche à survivre... Au final, tout ceci n’est que le cadre, la vraie exploration est intérieur. L’histoire d’amour que raconte Hostile fonctionne pour une raison simple. Lors d’une émission de télévision, le chanteur d’IAM, Akhenaton, disait de la chanson de Jacques Brel Ne me quitte pas :
Cette chanson me met mal à l’aise à chaque fois que je l’écoute, parce que j’aurais pu l’écrire, parce que n’importe qui aurait pu l’écrire, tout le monde a vécu ça au moins une fois dans sa vie.
La logique est la même pour la romance d’Hostile. Mathieu Turi dépeint un couple où n’importe qui peut s’identifier, un ménage qui traverse des joies et des peines et qui doit surmonter des épreuves difficiles. Il explore le beau et le laid, comment ces deux notions s’inter-changent et ce qu’il peut y avoir derrière. Sans jamais en faire trop ni jamais en montrer trop, il dévoile l’humanité de ses personnages avec leurs failles et leurs fragilités. Et c’est à cette humanité que le spectateur peut s’identifier. Le réalisateur utilisant parfaitement les codes des différents genres pour aller plus loin.
Hostile dévoile donc toute l’étendue du talent de son auteur, aussi bien dans la maîtrise technique que par le scénario. Le film jouit d’une simplicité qui le rend très agréable, et c’est souvent celle-ci qui est la plus difficile à trouver. Aux artifices, il remplace des éléments clairs et cohérents, mais qui fonctionnent parfaitement : le cloisonnement, l’enfermement. Chaque son marche mieux que n’importe quelle explosion ou autre artifice. Les personnages sont humanisés et apportent l’empathie continuelle du spectateur. Le thème central est simple, mais totalement universel et peut être compris et partagé par tous. Les décors, les costumes, le jeu d’acteur, l’image et le son, tout est soigné et donne au final un film réussi, un film où rien n’est à jeter.
Hostile de Mathieu Turi, en salle le 26 septembre 2018. Ci-dessus la bande annonce.