CRITIQUE / AVIS FILM - Conçu comme un "film étape" de la carrière de Hong Sang-soo, "Hotel By The River" demeure touchant de part sa simplicité de mise en scène, mais au fond bien plus complexe et trouble.
Hong Sang-soo, encore et toujours
On ne présente plus Hong Sang-soo comme un cinéaste adepte de la poésie. Celle des mots, d'abord, puisque ses plus grands films sont aussi particulièrement bien écrits. Mais aussi celle de l'image, de l'esthétisme. Il y a presque trois ans, il délivrait La Caméra de Claire, filmé à Cannes en compagnie de l'immense Isabelle Huppert. Survenu la même année que le minimaliste Le Jour d'après et Seule sur la plage la nuit, cet enchaînement montrait avant tout la qualité indéniable du réalisateur coréen à nous gâter de plusieurs projets dans la même année, tout en respectant sa posture d'auteur (ses films ne sont jamais simples d'accès). Cette année, Hong Sang-soo présente Hotel By The River, quelques mois avant La Femme qui s'est enfuie (prévu pour le 30 septembre, si tout va bien). Et force est de constater que l'essai est périlleux. Sortir un tel film lors d'une période trouble pour la culture, où le public n'est pas au rendez-vous, est un pari audacieux. Hotel By The River, aussi, marque un nouveau départ pour le réalisateur. Il laisse cette fois-ci de côté les relations amoureuses (tumultueuses) de ses précédentes œuvres, pour se concentrer sur un thème bien moins joyeux : la mort.
"Je crois que les choses que je vis chaque jour m’inspirent d’une façon que j’ignore moi-même et s’assemblent avec des choses qui viennent d’ailleurs," a t-il déclaré à propos. Ici, il prend facilement les airs de son protagoniste, le poète déchu Younghwan (Ki Joo-bong). Esseulé dans cet hôtel vide, il attend ses deux fils pour leur annoncer une triste nouvelle. Dans une chambre, résident Sanghee (Kim Min-Hee) et son amie. C'est entre ces quatre murs qu'elle pleurera la trahison de son bien-aimé. Le décor est posé et demeure, jusqu'à un final aussi attendu que déchirant.
Saisir l'instant
Hotel By The River est d'une mélancolie sans nom. Cependant, de là émergent des étincelles qui parviennent à sublimer, à terme, le tableau. S'il est marqué par une esthétique noire et blanc qui laisse se fondre la neige du paysage dans le blanc des yeux des personnages, le film laisse aussi respirer une lumière éblouissante. Entre scènes de repas et discussions, Hong Sang-soo laisse le poète renouer contact avec sa progéniture. Il filme aussi cette jeune femme au cœur brisé qui, finalement, parviendra à s'accrocher à un moment subtile de bonheur pour sortir la tête de l'eau. Dans la déconstruction familiale, existe en parallèle une reconstruction personnelle. Un paradoxe beau et déprimant, sensible et dur, que le cinéaste filme la plupart du temps caméra à l'épaule, en se permettant parfois quelques zooms étranges (cela apporte une dimension de réel dans ce rêve). Et puis, il y a ce lieu presque fantomatique. Cet hôtel où vagabondent ces âmes (hantées), qui prend constamment part au cadre. Il n'y a qu'à la fin que l'extérieur sera filmé avec plus d'attention, comme si la suite restait encore à écrire... Mais dans l'imagination du spectateur.
Hotel By The River de Hong Sang-soo, en salle le 29 juillet 2020. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.