Avec "Il Figlio, Manuel", Dario Albertini nous offre un personnage magnifique, porté par un jeune comédien extrêmement prometteur.
Réalisateur d’un court-métrage et de trois documentaires, Dario Albertini signe son premier long-métrage de fiction avec Il Figlio, Manuel. Originaire de Rome, le cinéaste nous plonge ici dans la banlieue de la ville à travers le quotidien d’un personnage profondément touchant.
Il Figlio, Manuel raconte l’histoire d’un jeune homme qui vient d’avoir 18 ans et doit quitter le foyer dans lequel il vit depuis plusieurs années. Alors qu’il tente de prendre goût à la liberté et à l’indépendance, le répit de Manuel est de courte durée. Pour que sa mère incarcérée obtienne l’assignation à résidence, il doit prouver aux autorités qu’il est capable de veiller sur elle.
La bonté d'un personnage dévoilée subtilement
Dès la première scène du film, Dario Albertini parvient à faire transparaître la bienveillance du protagoniste principal. Dans cette introduction, Manuel doit aider l’une des éducatrices à faire sortir un jeune enfermé dans les toilettes. Si l’exaspération des personnages se ressent, l’échange reste particulièrement drôle et savoureux. Le respect mutuel entre Manuel et les éducateurs est perceptible, tout comme l’aide qu’il apporte aux plus jeunes que lui.
Dario Albertini utilise tous les lieux du foyer pour nous révéler la place que Manuel y occupe. Son rôle dans la structure est dévoilé dans des séquences parfois bouleversantes, à l’image de celle où on le voit rassurer une amie avant de s’en aller. Le réalisateur les filme depuis l’extérieur du bâtiment, ne laissant pas le spectateur entendre l’échange. Il lui permet ainsi de se focaliser sur les émotions des protagonistes.
Alors qu’il plonge vers l’inconnu en quittant le foyer, Manuel ne cesse de se montrer à l’écoute et de venir en aide aux autres durant le film. Ses rencontres imprévues sont par exemple de réjouissants moments d’amitiés éphémères durant lesquels il peut pleinement se laisser aller. Ils n’effacent cependant pas ses doutes et ses tourments, qui passent en grande partie par le jeu du comédien principal. A travers sa réalisation, Dario Albertini ne tombe jamais dans la complaisance ou le misérabilisme.
Le cinéaste laisse le jeune Andrea Lattanzi, quasiment de tous les plans, donner une véritable épaisseur au personnage qu’il interprète. La caméra appuie parfois certains de ses ressentis, en particulier lors d’une scène en boîte de nuit où Manuel se défoule. Le seul passage où l’émotion est véritablement accentuée est le plan de final. Manuel y exprime enfin son besoin de respirer. Cette ultime scène, assez stupéfiante et tragique, n’éclipse en aucun cas la luminosité du protagoniste.
Un passage à la fiction réussi
Avec La Republica Dei Ragazzi, documentaire sorti en 2015, Dario Albertini s’est intéressé à une structure construite pour accueillir les enfants sans famille de l’après-guerre. Les points communs thématiques entre Il Figlio, Manuel et ce documentaire sont donc nombreux.
Le réalisateur a eu envie de s’intéresser en profondeur au moment où les adolescents quittent leur foyer, chose qu’il n’avait pas pu faire dans La Republica Dei Ragazzi. Si cette précédente expérience l’a influencé, Il Figlio, Manuel demeure une pure fiction, focalisée sur un personnage bouleversant.
La connaissance de Dario Albertini des foyers se ressent parfaitement, en grande partie grâce à la justesse avec laquelle cet environnement est filmé. Néanmoins, l’objectif n’est pas de nous immerger dans le lieu mais de nous plonger au cœur des tourments de Manuel. La partie au sein du foyer est essentielle au long-métrage mais finalement assez courte.
Une fois qu’il s’en écarte, le film se montre de plus en plus imprévisible et sème le doute dans l’esprit du spectateur. Jusqu’au plan final, il espère en effet que Manuel s’en sortira et réussira à récupérer sa mère. C’est donc l’évolution du héros qui importe le plus, et non son passé. En cela, Il Figlio, Manuel représente un passage extrêmement réussi du documentaire à la fiction pour son cinéaste.
Une jolie surprise que l'on garde en mémoire
Parsemé de moments romantiques, joyeux ou mélancoliques, le long-métrage ne cesse de surprendre à mesure que Manuel prend conscience des avantages et des conséquences de sa remise en liberté. Dario Albertini conclut ensuite son film sur un pur élan de cinéma plein de rage et d’amour qui reste longtemps en mémoire, au même titre que le personnage de Manuel. Sublimé par le réalisateur, ce protagoniste est l’un des plus réussis vu au cinéma depuis le début d’année.
Il Figlio, Manuel de Dario Albertini, en salle le 7 mars 2018. Ci-dessus la bande-annonce.