CRITIQUE / AVIS FILM - Benoît Poelvoorde et Alba Gaïa Bellugi jouent à un jeu très dangereux dans "Inexorable". Un thriller signé Fabrice Du Welz, qui s'impose comme le digne successeur de "Liaison fatale" ?
Inexorable : la liaison fatale de Benoît Poelvoorde
Dans Adoration, le précédent film de Fabrice du Welz, Benoît Poelvoorde faisait une apparition réconfortante. L'acteur incarnait un ermite vivant dans une installation modeste, qui offrait une pause aux deux adolescents amoureux en fuite. Deux ans plus tard, le cinéaste et le comédien se retrouvent pour Inexorable, dans lequel il occupe cette fois une place centrale.
Il prête ici ses traits à Marcel, un auteur ayant écrit un premier roman à succès qui traverse une panne d'inspiration. Sa compagne Jeanne (Mélanie Doutey) a quant à elle repris la maison d'édition renommée fondée par son père. Après la mort de ce dernier, le couple et sa fille Lucie (Janaïna Halloy-Fokan) s'installent dans son immense propriété, située en pleine campagne.
Un jour, alors que leur chien est introuvable, une voyageuse prénommée Gloria (Alba Gaïa Bellugi) leur ramène. Très vite, Jeanne s'attache à Gloria et lui demande plusieurs services, avant de l'engager à plein temps pour s'occuper de Lucie. Si pendant un moment, les choses se passent très bien, un étrange rapport finit par naître entre la jeune femme et Marcel, en partie à cause de leur attirance mutuelle. Pourquoi le connaît-elle si bien ? Et quel lourd secret l'écrivain semble-t-il vouloir cacher ?
Des codes bien connus
Si Fabrice Du Welz ne cache pas avoir pour références les suspenses de Claude Chabrol et les longs-métrages de Julien Duvivier, Inexorable évoque plutôt au spectateur son autre inspiration principale, le thriller sulfureux popularisé par Adrian Lyne (Proposition indécente) et Paul Verhoeven (Basic Instinct) aux États-Unis entre les années 80 et 90.
Ce sous-genre repose sur plusieurs éléments que le cinéaste belge réussit à exploiter : une rencontre où la tension sexuelle est palpable, des personnages secondaires qui ne se rendent compte de rien dans un premier temps mais qui finissent par ouvrir les yeux, ainsi qu'une bascule dans l'hystérie et la violence après un rapprochement dévastateur.
Deux personnages manipulateurs
Inexorable respecte ce cahier des charges à la lettre et ne dévie jamais de sa ligne conductrice. En cela, il est tout à fait possible de lui reprocher son manque d'originalité et son caractère prévisible. Néanmoins, le plaisir que prend Fabrice Du Welz à s'approprier certains codes et certaines séquences cultes est communicatif. Comme dans Les Nerfs à vif et Liaison fatale, une pauvre bête est par exemple victime de la cruauté des hommes et paye pour eux.
L'autre aspect très réussi d'Inexorable est sa manière de transformer sa victime supposée en bourreau et d'inverser les rôles à plusieurs reprises. Alba Gaïa Bellugi est certes d'abord inquiétante mais Benoît Poelvoorde devient progressivement monstrueux, laissant exploser sa rage lors d'une scène dérangeante et au cours du final dans la pluie, le sang et la boue, magnifié par la photographie de Manuel Dacosse (Alléluia, Grâce à Dieu, Adoration). Fabrice Du Welz utilise parfaitement le côté versatile de ses deux acteurs principaux.
C'est la froideur de Gloria qui laisse place à sa fragilité ainsi que la gentillesse de Marcel éclipsée par son agressivité qui surprennent et manipulent réellement le spectateur jusqu'au twist perturbant. S'il reprend donc des schémas bien connus, Inexorable a de quoi plaire aux amateurs du genre conscients de ce qu'ils sont venus voir, et aux néophytes pour lesquels le film constitue une belle porte d'entrée vers des trésors de malaise, de provocation, d'humour noir et de fureur.
Inexorable de Fabrice Du Welz, en salles le 6 avril 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.