CRITIQUE / AVIS FILM - L'Homme Invisible est de retour une nouvelle fois. Produite par Universal Pictures, cette nouvelle version, sobrement intitulée « Invisible Man », est confiée à Leigh Whannell.
Le mythe de L'Homme Invisible remonte à 1897, quand H.G. Wells publie son roman The Invisible Man. Un livre culte qui pose les bases d'un des mythes les plus célèbres de l'histoire du cinéma. De 1909 à 2020 ce n'est pas moins de vingt films qui ont présenté le personnage à travers les âges et les genres. Quelques grands noms se sont arrêtés sur ce sujet comme John Carpenter en 1992 avec Les Aventures d'un Homme Invisible ou Paul Verhoeven en 2000 avec Hollow Man : L'Homme sans ombre.
Figure emblématique également dérivée sur le petit écran et dans les comics, l'Homme Invisible est donc de retour cette année. Porté par Elisabeth Moss, Invisible Man est confié à Leigh Whannell, l'homme derrière le décevant Insidious 3, qui s'est par la suite rattrapé avec l'excellent Upgrade.
Un propos très intelligent
La grande force de Invisible Man, c'est sa manière de moderniser le mythe de la créature. Leigh Whannell a évidemment l'idée d'ancrer la mythologie de cet homme invisible dans son époque. Le propos de son récit est très intelligent. Il joue habilement avec la peur de l'invisible, de l'immatériel, avec la peur psychologique. Cette nouvelle version raconte comment Cecilia (Elisabeth Moss), en couple avec un brillant scientifique, tente d'échapper au comportement violent et tyrannique de son conjoint. Elle s'évade de son hégémonie, de sa pression psychologique, pour tenter de se reconstruire loin de son harcèlement moral. C'est dans ce postulat de départ que Invisible Man trouve tout son intérêt, son épaisseur et son sujet.
Ainsi, L'Homme Invisible est une représentation logique et maligne du harcèlement psychologique. La matérialisation invisible d'une peur invisible. Quoi de mieux qu'utiliser ce mythe pour parler de la détresse morale ? Cette pression n'est pas un harcèlement physique, mais uniquement psychique, inobservable, presque évanoui. Un appel à l'aide imperceptible, une peur insaisissable, que Leigh Whannell matérialise par ce mythe ancestral. Un homme manipulateur dont la menace est déjà présente avant même qu'il acquiert ses pouvoirs. Cecilia est hantée par cet individu qui peut surgir à n'importe quel instant. Intouchable avant même d'être invisible, et ce, dès la scène d'ouverture, très évocatrice du chemin emprunté par Leigh Whannell. Le motif de l’invisibilité a pour but de mettre en scène la terreur perpétuelle de Cecilia, sa honte post-traumatique, son inquiétude chronique, ses blessures morales et psychologiques.
Par ce schéma, Invisible Man offre sans doute la meilleure variation du mythe de l'Homme Invisible, et retourne totalement les ressorts horrifiques habituels. Car, paradoxalement, la menace est parfaitement identifiée, elle est connue du spectateur comme du personnage. Un effet qui place le public à la place de la protagoniste, dans une situation de faiblesse et d'incompréhension totale. Leigh Whannell joue avec sa mise en scène pour donner une dimension à son propos. Il évite les jumpscares faciles, les effets ostentatoires, pour proposer au contraire une réalisation calme, posée, lente, où le malaise survient par l'absence. Le spectateur est confronté à des décors vides, à sa propre paranoïa, à son imagination de ce qui est et de ce qui n'est pas. Le cinéaste arrive à inquiéter son audience avec de simples décors vides. Invisible Man a donc le mérite de parfaitement utiliser l'invisibilité, exercice compliqué.
Une dernière partie décevante
Malheureusement, si Invisible Man en impose dans ses deux premiers tiers, le dernier est beaucoup plus faible. Leigh Whannell choisit de faire machine arrière, et de montrer l'inmontrable. Le cinéaste accélère son tempo, lorgnant doucement son long-métrage vers un blockbuster beaucoup plus classique. La peur froide et désincarnée de la première partie se transforme en une chasse à l'homme plus musclée et plus démonstrative. Une manière pour lui de mettre en scène l'évolution de sa protagoniste. Elle fait un énorme travail sur elle pour dépasser sa peur enfouie, et affronter la main de ses tracas. Un moyen de montrer comment elle se soulève et combat son harcèlement psychologique. Pour autant, Invisible Man s'enferme dans un récit téléphoné, parfois inutilement explicatif.
Leigh Whannell fait un lien maladroit avec son précédent film, Upgrade, en proposant une nouvelle lecture de la technologie. Une approche bancale et sans grande originalité. Invisible Man devient alors trop long, et est totalement déséquilibré entre deux parties qui se contredisent, dans leurs fondements et dans leur concrétisation. Reste une conclusion logique, et féministe, qui propose l'affranchissement féminin par rapport au joug masculin. Une émancipation importante à l'air de #MeToo et du harcèlement sexuel. Une manière de redonner le pouvoir aux femmes et surtout de donner de la voix au harcèlement moral : sévices impalpables et pourtant omniprésentes.
Invisible Man de Leigh Whannell en salles le 26 février 2020. Ressortie exceptionnelle le 22 juin 2020. La bande-annonce ci-dessus. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.