CRITIQUE / AVIS FILM –" J’adore ce que vous faites ", de Philippe Guillard, confronte avec bonheur Gérard Lanvin à un fan lourdaud, interprété par Artus, sur les lieux d’un tournage.
On a peut-être les fans qu’on mérite
La relation que les fans entretiennent avec leurs idoles a souvent été traitée sous l’angle du thriller et de l’emprise. On pense notamment aux films américains Misery de Rob Reiner, Le Fan de Tony Scott ou encore à Mon idole de Guillaume Canet. Dans J’adore ce que vous faites , le réalisateur Philippe Guillard propose d’aborder le sujet via la comédie, et c’est plutôt réussi. La star, c’est Gérard Lanvin dans son propre rôle. Le fan, c’est Momo Zapareto (Artus), qui rencontre son idole alors qu’il répare la piscine de la maison qu’occupe Gérard pendant un tournage.
Philippe Guillard a déjà fait tourner Gérard Lanvin (Le Fils à Jo , Papi-Sitter) et on suppose que l’acteur a beaucoup inspiré le scénario, même s’il n’y est pas crédité. Il est ainsi présenté comme solitaire et bougon et le réalisateur a eu la bonne idée de de ne pas le rendre plus sympathique que cela. Le procédé de faire jouer son propre rôle à un acteur n’est pas nouveau (Dans la peau de Malkovich de Spike Jonze ou Jean-Philippe de Laurent Tuel). Mais le focus est ici mis sur les ressentis et les comportements du personnage que joue l’acteur.
Car si J’adore ce que vous faites interroge assez intelligemment sur le rapport des fans à leur idole, c’est surtout le rapport même de l’idole à ses fans qui est évoqué. Le réalisateur joue ainsi subtilement avec la réputation de Gérard Lanvin dans l’inconscient collectif et lui rend un bel hommage. Philippe Guillard le met ainsi en scène dans des situations très drôles à propos de la gêne occasionnée, voire de la sidération, de l’acteur face aux demandes de selfie, puis aux débordements qui s’en suivent.
Rencontre entre un taiseux et un verbeux
On voit l’acteur hésitant entre gentillesse et fermeté quant à sa manière de réagir face à ce tourbillon que provoque Momo. S’il se met en colère, il sait que cela risque de nuire à son image et s’il ne dit rien, l’autre en profite pour aller encore plus loin. Car au nom de sa pseudo proximité, celui qui est devenu son assistant s’autorise à repousser toujours plus loin les limites de la bienséance, sans aucune retenue.
Le réalisateur a circonscrit le propos de son film pendant le tournage d’un film historique, genre dans lequel on a un peu moins l’habitude de voir jouer Gérard Lanvin. Quoique le hasard de la programmation vient pourtant de le voir interpréter un héros de la Seconde Guerre mondiale dans Les enfants des Justes de Fabien Onteniente, sorti directement sur France Télévisions. D'ailleurs, l’autre bonne idée du film, c’est de donner à voir l’envers du décor et la façon de travailler à l’américaine sur un plateau, avec un œil plutôt critique.
Une mise en abîme du cinéma
Le personnage de Gérard Lanvin est montré fragilisé par la méthode de travail particulière du réalisateur canadien Bob Martel (Antoine Bertrand). L’acteur se retrouve malgré lui pris en sandwich entre ces deux caractères sans-gêne qui se font écho. Empêché dans sa propre concentration, on le voit même se remettre en question. Car s’il a réussi à faire venir une amie maquilleuse (Caroline Bourg) sur le tournage, Gérard est très seul. De sa vie personnelle, on ne voit rien, on ne sait même pas s’il échange avec sa famille.
Ses réactions face à l’intrusion dans sa vie du naïf Momo sont donc essentiellement perceptibles dans son regard, ses moues et les remarques qu’il se fait à lui-même. Le spectateur empathique vit d'autant mieux les ressentis de ce personnage qu'il devine le plaisir de Gérard Lanvin à les jouer. Même si le réalisateur pousse parfois le bouchon un peu loin, J’adore ce que vous faites permet donc de démystifier avec humour et bonhommie les limites de la relation entre un fan et son idole.
J’adore ce que vous faites de Philippe Guillard, en salles le 18 mai 2022 . Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.