CRITIQUE / AVIS FILM : Après l’immense succès de la « La Famille Bélier », Eric Lartigau revient à une comédie plus modeste, « #Jesuislà ». Pour l’occasion, il renoue avec Alain Chabat, qu’il retrouve presque quinze ans après « Prête-moi ta main ».
En 2014, Eric Lartigau obtenait un succès surprise avec La Famille Bélier. Non pas que le réalisateur en était à sa première comédie populaire, puisque déjà avec l’excellent Prête-moi ta main (3,6 millions de spectateurs) il faisait un véritable bond en avant après Un ticket pour l'espace et Mais qui a tué Pamela Rose ?. Mais avec ce film familial, qui fit passer Louane Emera de chanteuse à actrice, le cinéaste s’est retrouvé dans une toute autre catégorie : 7,3 millions d’entrées, cinq nominations aux César 2015, dont Meilleur espoir féminin remporté par Louane Emera.
On pouvait alors s’attendre à le voir viser encore plus gros pour son nouveau long-métrage. Il n’en est rien. Au contraire, Eric Lartigau n’a pas la folie des grandeurs avec #Jesuislà, préférant rester encore et toujours dans une approche intimiste, et ce, tout en voyageant jusqu’en Corée. Pour l’occasion, il retrouve Alain Chabat (après Prête-moi ta main), fait de lui un chef cuisinier tranquillement installé au Pays Basque, mais qui partage une relation à distance (via les réseaux sociaux) avec Soo (Bae Doo-na), une sud-corénne. De simples conversations au quotidien qui permettent à Stephane de s’évader de son environnement. On note dès lors un choix plutôt malin de représenter le sexagénaire dans un milieu déjà calme et loin d’une grande ville sujette au burn out, mais de ne pas l’épargner à des envies d’ailleurs. Cet ailleurs, c’est donc la Corée, pour laquelle il s’envole du jour au lendemain dans l’espoir de rencontrer Soo.
Entre comédie, romance, et crise personnelle
Ainsi, après une première partie un peu longuette centrée sur l’aspect crise identitaire, #Jesuislà semble prêt à basculer dans la romance. Sauf que les choses ne se passent pas comme prévues et, ne retrouvant pas Soo à l’aéroport, Stephane décide de l’attendre dans le Terminal. Alain Chabat peut alors s’en donner à cœur joie, multipliant les rencontres improbables et partageant le tout sur Instagram. Ni une ni deux, le voilà alors devenu un véritable phénomène au sein de ce microcosme qu’est le Terminal. Sans trop en faire, Eric Lartigau pose là un regard pertinent sur les réseaux sociaux et sur le rapport aux autres. Car sans même s’en rendre compte, Stephane devient une véritable célébrité aux yeux des passants et followers qui se prennent rapidement de sympathie pour ce « french lover » perdu dans les abysses de l’aéroport.
C’est à cet instant que #Jesuislà évolue une seconde fois, et avec une certaine intelligence. Stephane devenant à la fois sujet et cause d’un certain malaise puisque Eric Lartigau ne manque pas de pointer la violence de son geste – débarquer du jour au lendemain dans la vie d’une inconnue. Le personnage gagne en profondeur au fil du métrage, a droit à une remise en question logique, et trouve enfin une émotion dans le dernier acte où Stephane devra réparer des choses avec ses fils. Une écriture en trois actes parfaitement distincts qui permet d’éviter au film de tomber dans la lassitude. Bien que chaque partie aurait pu bénéficier de quelques raccourcissements, l’ensemble reste suffisamment rythmé pour maintenir attentif. Et, encore une fois, la présence d’Alain Chabat apparaît plus que jamais déterminante.
Le comédien est parfaitement adapté au ton d’Eric Lartigau, plus porté vers la comédie, mais sans perdre quelques bons sentiments. Pas sûr que sans Chabat #Jesuislà aurait vraiment réussi à sortir du lot. Reste intéressant (ou étonnant) de voir Eric Lartigau se montrer aussi modeste (une qualité comme un défaut d’un point de vu de la mise en scène) après des comédies qui, pour le coup, avaient des propositions plus mémorables.
#Jesuislà de Eric Lartigau, en salle le 5 février 2020. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.