CRITIQUE / AVIS FILM – Dans "J’irai où tu iras", une ode à l'amour maladroit entre deux sœurs, Géraldine Nakache tente de reconstituer le duo magique avec Leïla Bekhti de "Tout ce qui brille" mais ne convainc pas complètement.
J’irai où tu iras, c’est le titre de la chanson de Céline Dion, sur des paroles et musique de Jean-Jacques Goldman. Et de Céline Dion, même en hors-champ, il va souvent en être question. Donc pour un spectateur qui ne serait pas fan, J'irai où tu iras risque d’être long !
Mais avec ce film, Géraldine Nakache s’attache cette fois-ci aux pas de deux sœurs fâchées, extrêmement différentes l’une de l’autre. La réalisatrice-scénariste interprète Vali, la cadette, et même si elle partage avec sa sœur aînée, Mina (Leïla Bekhti), la même sensibilité, elle ne l'a pas incorporée de la même manière dans sa vie. Ainsi, Mina, art-thérapeute pragmatique, ne laisse rien paraître de ses émotions, enfouies sous sa représentation professionnelle.
C’est le pilier de la famille, celle qui garde les secrets et ne flanche pas, celle sur qui reposent les choses difficiles à vivre et à gérer. Renfermée comme une huître, c’est une râleuse qui ne s’attache pas à grand monde, si ce n’est à un malade atteint d’Alzheimer. Comme si c’était finalement plus facile d’offrir de l’attention à quelqu’un qui ne serait pas de sa famille. Il ne sera d’ailleurs adjoint aucun amoureux à Mina, même si son collègue médecin (Thomas Lilti, qui pour sa première apparition à l’écran, fait un clin d’œil à son ancien métier) n’aurait pas été contre l’idée d’être celui-là.
Mina ne porte pas un regard très bienveillant sur Vali, ni sur sa personne, ni sur son métier. Car Vali se sert de son extrême sensibilité dans son travail de chanteuse dans des mariages. Ses proches la ménagent depuis toujours et elle n’a pas la force de caractère de sa sœur. Elle n’ose jamais dire non, même quand une concurrente à son audition de choriste de Céline Dion lui pique sa chanson. Et elle non plus n'a plus de petit ami.
Le voyage de la réconciliation
Dans J'irai où tu iras, le choix de cette totale opposition de caractère et de comportement entre les deux sœurs relève d’une certaine facilité scénaristique, mais sert toutefois plutôt bien le propos. Car, puisque l’on est dans un feel good movie, les sœurs vont évidemment parvenir à dépasser leur ressentiment, à trouver leur place l’une par rapport à l’autre et à refuser de ne plus être dans les cases qui font plaisir à leur père.
Le fameux père, Léon (Patrick Timsit), justement, est un blagueur indécrottable. Il maintient une relation infantilisante et très intrusive avec ses filles, grâce à des rituels ridicules, qui confinent au pathétique. Quant à la voix de fausset dont l’acteur croit bon utile de s'affubler depuis son rôle de Michou dans La crise, et plus récemment d’amoureux transi dans Marie-Francine, elle agace plus qu’elle ne favorise l’empathie.
Là où J’irai où tu iras parvient à réellement émouvoir, c’est dans le regard que porte Géraldine Nakache sur le cancer : comment on affronte la maladie, comment on en parle ou comment on la cache et comment on se remet, ou pas, de la mort qui s’en suit parfois. D’abord par le prisme du décès de l’épouse de Léon et mère de Mina et Vali, lorsqu’elles étaient gamines. Puis par celui qui atteint Léon et qui réactive inévitablement la souffrance du souvenir de la perte de la mère. Et enfin, l’annonce du décès de René Dion, mari de la chanteuse, qui oblige à reporter l’audition des choristes.
Les réactions ou les silences que déclenchent ces deuils, personnels ou lointains, sont également touchants, comme celles des fans de la chanteuse québécoise. Ainsi que les petites morts liées à la fin d’une période de la vie, et dont certains se remettent aussi difficilement qu’un deuil définitif. On pense ainsi à l’attitude très maternante de Gilberte (Pascale Arbillot), la logeuse du Bed & Breakfast dans lequel se retrouvent Mina, Vali et les choristes. Ou encore à l’opportunité pour Vali, lors du mariage chinois dans lequel débarquent les sœurs par hasard, de comprendre l’inutilité de continuer à vivre encore plus longtemps sur les bénéfices du concours télévisé gagné tant d’années auparavant.
Malgré quelques maladresses et exagérations inutiles dans la construction des personnages, J’irai où tu iras se révèle pourtant un film tendre sur la complexité des relations familiales, mais aussi sur la nécessité de couper à temps le cordon parental, de guérir de ses blessures d’enfance et d’oser affronter la vérité, sous peine de devoir vivre un présent trop ancré dans le passé.
J'irai où tu iras de Géraldine Nakache, en salle le 2 octobre 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.