Jojo Rabbit : irrésistible satire de l'Histoire

Jojo Rabbit : irrésistible satire de l'Histoire

CRITIQUE / AVIS FILM - Avec "Jojo Rabbit", Taika Waititi s'émancipe un temps des comics et livre un film entre la comédie et le tragique, aussi drôle que touchant. Le nazisme n'a jamais été aussi bien tourné en ridicule.

On a ouïe-dire qu'il le préparait depuis 2011... Très librement adapté du roman Le Ciel en Cage de Christine Leunens, l'insaisissable Taika Waititi a mûri avec le scénario de Jojo Rabbit, tel un vieux partenaire qu'on se sent obligé de laisser partir, un jour. Et il est arrivé ! En 2017, l'idée d'adapter le script à l'écran revient au devant des négociations au sein de la Fox et c'est finalement son auteur qui décroche le droit de le réaliser... Si et seulement si il incarne le fameux personnage semi-imaginaire qui gravite autour du jeune Jojo... L'ignoble Adolf Hitler, le Führer de l'Allemagne Nazi.

Dans un sens, Waititi à bien fait d'accepter ce challenge, "puisque si un acteur avait été engagé pour l'incarner, il aurait peut-être trop pris à cœur le poids du personnage et cela aurait pu, à terme, saboter mon film", nous a confié le cinéaste lors d'un question-réponse organisé à l'occasion d'une avant-première. En effet, le cinéaste incarne ici le monstre à la perfection, comme il l'imaginait. C'est-à-dire en le tournant en ridicule, en le faisant passer pour un tueur sanguinaire (qu'il était sans aucun doute), dénué de toute morale. D'autant plus, s'il est le fruit de l'imaginaire d'un petit garçon, écrasé par l'influence du mouvement de la jeunesse hitlérienne. Jojo (incarné par l'adorable Roman Griffin Davis) veut se faire une place dans cette société aliénée. Mais c'est lorsqu'il rencontre Elsa (Thomasin McKenzie), jeune juive cachée dans le mur de sa maison sous l'œil protecteur de sa mère (Scarlett Johansson, impeccable), que Jojo entre dans une phase d'introspection inédite - qui le mènera, à terme, à remettre en question toute son éducation et, bien sûr, l'idéologie nazie.

Taika Waititi raconte ici une page de l'Histoire de la plus haute importance, qu'il considère comme de plus en plus oubliée par les livres scolaires actuels. L'horreur du nazisme s'est réellement produite et plutôt que de la retranscrire à l'écran en drame - ce qui est tout à fait respectable - le cinéaste préfère user de son fameux savoir-faire : l'humour. Et dans ce jeu-là, il brille toujours autant.

Fable sans concession

Dans les pas de Charlie Chaplin, Ernst Lubitsch, ou encore Mel BrooksRoberto Benigni et Quentin Tarantino, Taika Waititi raconte l'Allemagne nazie en la trempant à la sauce dérision, des yeux d'un enfant qui a encore tout à apprendre. Outre un panel de personnages tous plus poilants les uns que les autres (mentions spéciales aux géniaux Sam Rockwell et Alfie Allen, qui jouent des officiers nazis totalement à côté de la plaque, même si un développement tout particulier est dédié à l'un d'entre eux), Jojo Rabbit jouit de ses thèmes universels : la famille, la transmission et le fait de grandir.

Passer du rire aux larmes, Waititi semble le maîtriser avec force et jamais dans la gratuité. Malgré l'ampleur du décor posé (l'Allemagne en pleine occupation), les enjeux de taille et les scènes fortes en émotions (les pendus en plein centre-ville), le film n'oublie pas qu'il est une comédie et se laisse bercer par des scènes à la fois nécessaires et touchantes : comme l'admirable tour de force de Johansson en plein repas avec son fils, lorsqu'elle se barbouille de suie pour interpréter le père absent.

On lui accordait déjà un grand talent pour se démarquer du lot (Thor : Ragnarok demeure à ce-jour l'un des meilleurs chapitres du Marvel Cinematic Universe), Taika Waititi est désormais un auteur confirmé, qui inculque, toujours avec audace, sa touche d'originalité. Quand on pense qu'il a été approché pour un futur film Star Wars, on ne peut donc que se réjouir...

 

Jojo Rabbit de Taika Waititi, en salle le 29 janvier 2020. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Taika Waititi réussi le pari de raconter l'Allemagne nazie avec pertinence, en alignant les thèmes universels avec ses qualités de magicien de la comédie. Une fable osée et réjouissante !

Note spectateur : 2.85 (2 notes)