Après le succès mérité du premier opus, Matthew Vaughn embarque ses agents Kingsman dans une aventure avec leurs homologues américains, les Statesman. Mais entre garder la même recette et apporter de la nouveauté, le film cherche maladroitement son équilibre. Ambitieux et spectaculaire, mais pour le moins brouillon.
Disons-le d’emblée, Matthew Vaughn est un réalisateur très doué et confirmé. Osons-le, il a de l’or entre les mains. Mais peut-il tourner en rond ?
Kingsman - Le Cercle d'Or, comme son prédécesseur, fait dans la débauche avec des effets spéciaux dernier cri, des chorégraphies de combats parfaitement exécutés, et des acteurs aux petits soins… Et dans la continuité de Kingsman : Services Secrets, le réalisateur reprend donc tous les ingrédients qui avaient fait sa réussite avec des scènes d’action spectaculaires, un rythme ultra-soutenu et de l'humour à tous les étages. Le casting est également prestigieux. On retrouve ainsi Taron Egerton, Mark Strong et Colin Firth. Côté nouveaux arrivants, on compte entre autres, des poids lourds du cinéma US : Julianne Moore, Channing Tatum, et Jeff Bridges. La confirmation que l’ambition de cet opus est donc très élevée.
Kingsman, version transatlantique
A priori, ce nouveau Kingsman a les moyens de son ambition. Comme pour chaque film d’espionnage qui se respecte, il présente un grand méchant. Et plus sa mégalomanie et son sadisme sont développés, mieux c’est. Une loi du genre que Kingsman - Le Cercle d’Or suit à la lettre. Ici, la trafiquante démoniaque Poppy Adams (Julianne Moore, excellente dans un rôle inédit pour elle), décidée à empoisonner le monde entier. Pour mener à bien son terrible projet, elle s’atelle d’abord à détruire les Kingsman. Ceux-là, décimés, se tournent vers leurs cousins américains, les Statesman. Tweed contre denim, parapluies contre lassos, l’opposition de styles est flagrante et donne des moments très drôles. Alliés, mais pas seulement, les Kingsman et les Statesman vont se démener pour contrecarrer les plans de Poppy Adams.
À vouloir faire plus encore, Kingsman - Le Cercle d'Or tend vers la franchise internationale quand le premier revendiquait son identité britannique. Au vu des performances au box-office affichées par les franchises contemporaines avec leur esprit "famille" (on pense notamment à Fast & Furious, Avengers, Justice League), difficile de ne pas leur emboîter le pas. Mais il n’est pas si simple de réussir. En effet, si Julianne Moore fait jeu égal (voire mieux) avec son prédécesseur Samuel L. Jackson, et si tous les acteurs semblent prendre leur pied à faire exploser les décors, le scénario s’effrite à mesure que l’intrigue se déroule. Le film est long, 2h20, et immanquablement les scènes finissent par se succéder sans réelle cohérence.
Une confusion générale
À ce titre, l’idylle du jeune Galahad avec la princesse Tilde donne des séquences plutôt réussies, mais embarque le jeune héros vers une situation finale qui ne manquera pas de laisser le public perplexe. Aussi, le comédien Taron Egerton, promis à une carrière de sex-symbol suite au premier film, apparaît presque sur la retenue dans Le Cercle d’Or. Dans ce film inégal et parfois bancal, la sensation de s’amuser côtoie avec un sentiment croissant de confusion.
Cette confusion, qui pourrait tendre à la lourdeur, est un problème. Car Kingsman a la prétention de devenir la nouvelle référence du film d’espionnage. Alors, il ne peut se soustraire à l’inévitable comparaison. Kingsman : Services Secrets rendait un hommage satirique aux premiers James Bond, avec le flegme et la classe inspirés d’un Sean Connery. Le Cercle d’Or semble lui plutôt pencher du côté de Roger Moore : facile, répétitif et d’une saveur bien moindre. Ainsi, par gourmandise, le film se perd dans la surenchère et la répétition. Plus que dispensable, une scène de pose de micro dans les parties intimes d’une jeune femme appelle la sanction : à trop vouloir en faire, on en oublie l’essentiel, et on tombe parfois dans le vulgaire.
Le Cercle d'Or, sauvé par la musique ?
Néanmoins, le génie de Vaughn réside sans doute dans sa proposition d’un cinéma à « hauteur d’enfant ». C’est-à-dire que l’action est grandiose, millimétrée et jouissive. Les morts violentes s’accumulent, mais sans tomber dans le gore ou le malaise. Une forme d'innocence, condition sine qua non de la démarche artistique et expertise de Matthew Vaughn. Aussi, on ressent dans ce film ce que sa filmographie récente démontre. Kick-Ass, X-Men, Kingsman, sont tous des films issus de comics. C’est ainsi un cinéma plaisir qui est proposé, et tout dans Kingsman y concourt. La méchante est plus que diabolique, les gadgets sont formidables, les héros séduisants et ne perdant jamais de leur humour. Très britannique, et en même temps très efficace.
Enfin, une des forces incontestables du Cercle d’Or est sa bande-son. Pour le comprendre, il faut nécessairement évoquer le rapport à la musique de Matthew Vaughn. Celui-ci ne se cache pas d’être un grand mélomane, et ses choix de musique sont toujours judicieux, tant pour parfaire l’ambiance que pour faire des clins d’œil de goût. On se souvient ainsi, dans Kick-Ass, de l’utilisation parfaite de deux morceaux d’autres films : In a heartbeat (28 semaines plus tard), et Adagio in D minor (Sunshine de Danny Boyle), deux magnifiques musiques composées par John Murphy.
Chez Vaughn, la musique est un personnage à part entière et de premier plan. On notera sur ce point l’utilisation inédite d’un morceau de Prince dans la scène d’ouverture, ainsi que la présence d’Elton John au casting. Un fait aussi rare que plaisant, et qui confirme la forte musicalité de l’univers du réalisateur.
Un résultat mitigé, mais encourageant
Alors, puisque son Cercle d’Or confronte ses héros à la culture américaine, la musique suit naturellement. En l’occurrence, c’est l’hymne country Country Roads qui sera mise à l’honneur - dans sa version originale et dans une sensationnelle version orchestrale, ainsi que dans une version chantée par Mark Strong où s’entendent quelques cornemuses. Si ce thème accompagne les meilleurs moments du film, on sent finalement Matthew Vaughn peut-être moins à l’aise une fois sorti de son corpus de références britanniques.
Avec ce film, il réside donc un petit regret, en même temps qu’une promesse : qui maintenant ne souhaiterait pas le voir aux commandes d’un James Bond ? Avec, pourquoi pas, Taron Egerton ou Colin Firth en 007. De même, Kingsman : Le Cercle d’Or trouvera certainement son public et un troisième est d’ores et déjà dans les tubes pour 2019. Mais il devrait décevoir les fans du premier volet, qui y avaient trouvé ce qu’ils regrettaient dans les derniers Bond. Ceux-là, trop sérieux et trop réalistes, trop fatigants pour Daniel Craig, ne donnaient pas la facilité et la légèreté essentielle à la franchise n°1 des films d’espionnage.
Avec le premier Kingsman, on retrouvait (enfin) le détachement propre aux Anglais, la séduction permanente et la classe à tout prix. Ici, dans l’ouverture à l’Amérique - manière un peu grossière de consolider une audience mondiale, et dans sa surenchère permanente, Kingsman - Le Cercle d'Or perd de son originalité et de son identité, véritables atouts du premier film. Mais après tout, des deuxièmes films moyens, il y en a eu beaucoup, et des troisièmes réussis, aussi. Gageons que le troisième Kingsman saura faire la synthèse et apprendre des erreurs du second.
Kingsman - Le Cercle d'Or de Matthew Vaughn, en salle le 11 octobre 2017. Ci-dessus la bande-annonce.