CRITIQUE / AVIS FILM - Une famille est kidnappée et obligée de faire un sacrifice impossible dans "Knock at the Cabin", nouveau thriller tendu, sombre et étouffant sous fond d'Apocalypse signé M. Night Shyamalan.
M. Night Shyamalan nous enferme dans un chalet
Pour Knock at the Cabin, M. Night Shyamalan renoue avec le (quasi) huis clos. C'était le cas dans son précédent film, l'étonnant Old (2021), qui se déroulait principalement sur une plage impossible à quitter. Mais également dans une bonne partie de Split (2017) ou encore The Visit (2015). C'est d'ailleurs depuis ce dernier que le réalisateur de Sixième sens (1999) est revenu à des productions plus modestes financièrement, avec généralement peu de décors et un nombre restreint d'interprètes, mettant davantage l'accent sur des scénarios bien ficelés.
La recette est la même avec Knock at the Cabin, qui se déroule en pleine nature, dans un chalet au milieu d'une forêt. Certes, quelques flashbacks et tentatives de fuites permettent au réalisateur de sortir du huis clos (et de caractériser au mieux ses personnages), et ainsi d'offrir des moments de respiration au spectateur, nécessaires à une telle œuvre basée sur la tension.
Dès les premiers instants, alors qu'on voit le massif Dave Bautista (excellent), d'un pas lourd, s'approcher d'une jeune enfant du nom de Wen (Kristen Cui), difficile de ne pas serrer les dents. Shyamalan n'y allant pas par quatre chemins pour nous plonger dans une atmosphère étouffante.
S'il joue sur la différence de taille entre ces deux protagonistes, il insiste d'autant plus par des choix simples, mais efficaces de mise en scène. Principalement un champ-contrechamp en très gros plans fixes sur les deux visages, indiquant l'absence d'échappatoire. Ce ne sont pas les quelques regards de Bautista vers une forêt qui semble, elle, respirer (effets façon Phénomènes), qui permettent au spectateur de souffler.
Knock at the Cabin, un thriller terrifiant
Car cet homme, qui se fait appeler Leonard, n'est pas seul. Il est rapidement rejoint par trois autres individus. Ensemble, ils forment les quatre Cavaliers de l'Apocalypse venus demander à Wen et ses deux pères, Andrew (Jonathan Groff) et Eric (Ben Aldridge), un sacrifice pour sauver l'humanité. On connaît le talent de Shyamalan pour provoquer des frissons. Parfois, le cinéaste est allé jusqu'à nous effrayer (l'apparition d'un alien dans Signes, la petite fille dans Sixième sens, la créature dans Le Village). Mais rarement on l'avait vu plonger autant dans une terreur sombre qu'avec Knock at the Cabin - pensez survival et pas jumpscare façon The Visit.
Par cette irruption de quatre individus armés dans un chalet, l'idée, d'abord, est effrayante, car plausible et présentée de manière réaliste. L'exécution, ensuite, est remarquable dans une séquence où l'inquiétude monte crescendo tandis que les victimes vont longuement faire face à une porte, avant d'être attaquées physiquement. Enfin, la raison de cette intervention, et tout ce qui va se jouer en conséquences, crée un effroi certain. D'une part, car le choix qui est demandé par ces Cavaliers de l'Apocalypse (tuer son compagnon, son père ou sa fille) est impossible. Tout comme celui de sauver soit sa famille, soit l'humanité. D'autre part, car Shyamalan n'hésite pas à montrer des victimes en masse et à jouer sur des craintes concrètes.
La fin du monde est déjà là
À chaque fois que la famille refusera de désigner celle ou celui qui sera sacrifié, une plaie se déchaînera et des centaines de milliers de personnes périront, dans un tsunami ou une série de crashs d'avions. Est-ce la vérité, une folie, ou un jeu pervers pour torturer deux homosexuels ? Shyamalan a l'intelligence de rendre - par son scénario co-écrit avec Steve Desmond et Michael Sherman et tiré de The Cabin at the End of the World de Paul Tremblay - toutes ces hypothèses envisageables. Chaque retournement de situation fait ainsi pencher le spectateur (et les protagonistes) vers une possibilité ou une autre.
Même lorsque les médias montrent une catastrophe annoncée, preuve supposée d'une Apocalypse en cours, une porte restera ouverte à une explication rationnelle. Ce qui n'empêche pas le cinéaste, lui, d'avoir une position évidente dè le départ, si on connaît un peu son cinéma, son rapport à la religion et à la foi (des thématiques omniprésentes dans son cinéma).
Knock at the Cabin questionne alors cette foi, en montrant une part sombre de l'humanité (Eric traumatisé par l'homophobie) mais en gardant une forme d'espoir. Shyamalan reste optimiste, et propose un dernier acte fortement émotionnel. Même s'il n'use cette fois pas de twist à proprement parler, le cinéaste est dans une maîtrise impressionnante. Très proche de Signes, ce récit biblique contemporain, avec ce que cela implique d'interrogation morale, demeure un sans-faute.
Knock at the Cabin de M. Night Shyamalan, en salles le 1er février 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.