CRITIQUE / AVIS FILM - Pour son deuxième film comme réalisateur, Nicolas Bedos se questionne sur le temps qui passe pour délivrer un film entre tendresse, humour piquant et émotion. Il s'entoure pour l'occasion d'un casting prestigieux qui s'en donne à cœur joie.
En 2018, Gilles Lellouche était invité au Festival de Cannes pour présenter sa comédie irrésistible, Le Grand Bain. Ceux qui avaient découvert le film sur le Croisette s'attendaient à un gros succès public lors de la sortie en salle. Cette année 2019, le Festival a encore sélectionné Hors-Compétition une autre grosse comédie française : La Belle Époque. Les ressemblances sont nombreuses entre ces deux films. En plus d'avoir été montré en avant-première dans le même festival, ils mettent chacun en scène un gros casting et sont programmés pour faire tomber les spectateurs sous leur charme. L'histoire nous dira sur le film de Nicolas Bedos sera un carton mais on peut vous dire que ça sent très bon pour lui.
La Belle Époque présente Daniel Auteuil en Victor, un sexagénaire qui ne se reconnaît pas dans le monde actuel. Son fils (Michaël Cohen) l'invite alors à prendre part à une expérience surprenante. L'un de ses amis, Antoine (Guillaume Canet) a fondé une entreprise qui permet aux clients de revivre le moment qu'ils souhaitent dans le passé. Ses studios accueillent de grosses reconstitutions en tout genre pour satisfaire la demande. Victor décide de revenir 40 ans en arrière, pour revivre le moment où il a rencontré Marianne (Fanny Ardant), sa femme avec qui plus rien ne va. C'est là qu'il rencontrera Margot (Doria Tillier), une actrice engagée pour incarner son amour dans le passé. À partir de ce moment, la vie de Victor va changer.
Cela ne date pas d'aujourd'hui que Nicolas Bedos sait manier les mots avec une habileté remarquable. La Belle Époque le démontre rapidement, faisant fuser les répliques comme des balles affutées. L'avantage lorsqu'on a un aussi beau casting, c'est qu'on peut se permettre de se reposer sur eux pour donner vie à ce que l'on imagine. Comment, dès alors, ne pas évoquer Daniel Auteuil et Fanny Ardent qui jouent avec un plaisir perceptible ? Le premier étant un rêveur nostalgique qui regrette que le temps ait trop fait son oeuvre, quand la seconde cherche justement à rester dans la mouvance pour ne pas voir le poids des années peser sur ses épaules. Mais par-delà le talent de Bedos pour sans cesse délivrer des répliques qui font mouche, c'est surtout la fluidité de son écriture puis de sa mise en scène et du montage que l'on a envie de mettre en évidence.
Parce que son "concept" n'est pas des plus évidents à animer sans que le spectateur ne se perde entre faux-passé et présent, surtout que les deux s'emmêlent et se répondent constamment. Le plus brillant dans cette évocation du temps qui a filé est de voir comment Bedos s'en sort pour amorcer les bases d'un futur plus agréable. Le discours n'a rien d'amer, c'est ce qui donne toute sa beauté à un film qui aurait pu sombrer avec lourdeur dans l'éloge aigrie du bon vieux temps où il on n'avait pas la tête constamment rivée sur le téléphone portable. Nicolas Bedos jongle entre tous les niveaux de lecture sans jamais nous perdre et sa mise en scène s'adapte à ce dynamisme pour nous embarquer. On ne voit pas les minutes passer tant le dosage est digeste. Mais cette efficacité trouve son utilité en servant la portée émotionnelle de ce récit. Le film fait beaucoup rire puis, le piège se referme, et nous voilà submergés par l'émotion.
La seule réserve que nous aurons sur La Belle Époque concerne le personnage incarné par Guillaume Canet, qui n'est autre qu'un double du metteur en scène. Bedos se montre critique avec sa personne mais ne trouve pas dans cet aspect de son scénario le clé pour reproduire ce qu'il réussit avec Victor. Un défaut qui ne parasite pas la belle réussite qu'est le film.
La Belle Époque de Nicolas Bedos. Au cinéma le 6 novembre 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.