CRITIQUE / AVIS FILM – Pour son dernier long-métrage " La Dégustation", le réalisateur Ivan Calbérac met en scène Isabelle Carré et Bernard Campan dans la rencontre touchante de deux âmes seules bousculées par la vie.
Laisser une place à l’amour
Ce sont les acteurs de La Dégustation, pièce de théâtre écrite par Ivan Calbérac (Venise n'est pas en Italie) jouée 300 fois et Molière 2019 de la meilleure comédie, qui ont demandé à l'auteur de l’adapter au cinéma. La seule condition posée était le plaisir de se retrouver tous ensemble à l’écran, sans mise à l’écart. Une condition compréhensible si on se rappelle la tristesse de l’un des acteurs de la pièce Le Prénom, qui n’avait pas été choisi dans la version cinématographique.
L’inscription d’Hortense à l’atelier dégustation de Jacques n’est que la première pierre d'une complicité à venir, et il leur faudra un peu de temps pour qu'elle se décante. Jacques et Hortense portent chacun leurs peines et le fardeau de leurs manques - dont on ne dévoilera rien. La Dégustation réussit à occasionner bien des rires à propos de leur vie rythmée par leurs activités respectives. Même si la maladresse dont font preuve ce divorcé bourru et cette vieille fille bigote l'un envers l'autre est parfois un peu exagérée, et pour le coup théâtrale.
La rencontre de ces deux êtres solitaires, que la vie n’a pas épargnée, est très touchante. Ils sont joliment interprétés par Isabelle Carré et Bernard Campan, déjà partenaires dans Se souvenir des belles choses de Zabou Breitman. Le réalisateur parvient également à passer outre l'unité de lieu du décor théâtral et dynamise plutôt bien son récit. Il alterne ainsi les scènes entre la cave à vins de Jacques, la maternité dans laquelle travaille Hortense, ou le domicile de sa mère (Geneviève Mnich).
"Le bon vin réjouit le cœur de l'homme"
Le choc des cultures présent dans cette comédie dramatique de facture classique fait des étincelles, notamment grâce au fil rouge du film : la générosité (une qualité également présente dans un bon vin). Une générosité très naturelle chez Hortense, qui s’occupe avec dévotion de sa mère et d'une association de Sans Domiciles Fixes. Et une générosité nouvelle pour Jacques, qui doit se faire aider par un jeune en liberté conditionnelle, Steve (Mounir Amamra).
Autant Steve mettra un peu d’huile dans les rouages de cette histoire d’amour, autant Guillaume (Eric Viellard), ami de Jacques, prendra un malin plaisir à y mettre son grain de sel de séducteur.
Il n’est nul besoin d’apprécier le vin et son univers pour apprécier le film. Le spectateur n’a plus qu’à se nicher sur l’épaule d’Hortense et à se laisser guider pour apprendre à déguster le nectar des dieux. Il s’agit plutôt de voir dans La Dégustation une subtile métaphore de la vie, de l’apprentissage ou de l’ouverture aux autres. Car le film interroge avec délicatesse, sans brusquer, sur la façon dont on accepte de laisser à nouveau l’espoir et l’amour entrer dans sa vie après tant de vicissitudes.
Et s’il y a beaucoup de justesse et d’humanité dans La Dégustation, le film aborde aussi par touches subtiles des sujets bien plus profonds et dramatiques. Ainsi l’alcoolisme, la relation maternelle, le deuil, l’amitié, la confiance, la misère sociale ou encore la naissance d’une vocation. À l’image de deux scènes qui resteront en mémoire (la trottinette et les lettres de scrabble), La Dégustation se révèle donc délectable, oscillant harmonieusement entre le rire et les larmes.
La Dégustation de Ivan Calbérac, en salle le 31 août 2022 – Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.