CRITIQUE / AVIS FILM - Premier long-métrage des frères Danny et Michael Philippou, "La Main" s'intéresse à la frontière extrêmement mince entre le monde des vivants et celui des morts. Un film d'horreur brutal déconseillé aux âmes sensibles.
La Main : un concept simple mais brillant
À l'heure où les franchises s'étirent inutilement (Scream VI), où les tentatives de jouer sur l'interconnexion généralisée ne fonctionnent pas (Bodies Bodies Bodies), où les adaptations d'auteurs cultes ne proposent rien de nouveau (Le Croque-mitaine) et où une idée prometteuse s'effondre à cause de l'incapacité à la prendre un tant soit peu au sérieux dans son exécution (Crazy Bear, L'Exorciste du Vatican, Projet Wolf Hunting), La Main est une véritable bouffée d'air frais dans le paysage horrifique.
Le premier long-métrage réalisé par les frères Danny et Michael Philippou repose sur un concept extrêmement simple, mais redoutable et que le spectateur ne remet jamais en question. Mia (Sophie Wilde), adolescente qui tente de tenir le coup depuis la mort de sa mère, s'est éloignée de son père et se réfugie la plupart du temps chez sa meilleure amie Jade (Alexandra Jensen).
Un soir, elles débarquent chez une connaissance pour participer à un jeu morbide : toucher la main embaumée d'un médium afin d'entrer en contact avec des esprits et les laisser prendre possession de leur corps. La seule condition est de ne pas tenir la fameuse main plus de 90 secondes. Forcément, avec une activité aussi stupide que celle de réveiller les morts, les choses ne peuvent que virer au cauchemar.
L'addiction au spiritisme
Si La Main ne brille pas par sa subtilité, sa construction narrative est toujours cohérente avec son propos sur l'addiction. Présentée comme une adolescente pouvant sombrer dans les excès, ce qui inquiète à plusieurs reprises ses proches, Mia prend goût aux séances de spiritisme.
L'héroïne s'éclate en laissant des membres de l'au-delà s'approprier son corps, charmée par le vertige que lui procure cette expérience. Sur un montage entraînant, ses amis et elle s'enivrent et répètent l'expérience, jusqu'au moment où tout bascule.
Et le bad trip ne ressemble pas du tout au vomi provoqué par le shot de téquila de trop. Ici, il prend la forme d'un aller sans retour en enfer, où tout s'assombrit à mesure que les hallucinations de Mia, coincée entre deux mondes et ne parvenant plus à redevenir lucide, s'intensifient.
Une plongée dans les ténèbres qui rappelle l'excellent Mister Babadook dans sa manière de piéger sa protagoniste. Les frères Philippou ont d'ailleurs tous deux travaillé sur le film de Jennifer Kent et revendiquent son influence sur La Main.
Des effets sidérants
Le spectateur comprend donc qu'il n'y a pas d'issue pour Mia et les réalisateurs ne lui réservent pas d'issue heureuse de dernière minute, le long-métrage assumant son pessimisme jusqu'au bout, ce qui le distingue là encore de nombreuses productions récentes. D'une brutalité inouïe, la scène d'introduction annonce d'emblée la noirceur du film. Viennent ensuite plusieurs séquences d'une violence rare où les personnages s'autodétruisent ou font du mal à leurs proches, à commencer par celle où un enfant se brise le crâne contre un meuble, avant d'essayer de s'arracher un œil avec ses doigts ensanglantés.
C'est le réalisme cru de ces passages où tout vrille qui rend La Main terrifiant, bien plus que le mystérieux objet évoqué dans le titre ou que les premières apparitions d'esprits lubriques, agressifs ou tout simplement tristes. Ce qui ne signifie pas que le long-métrage n'assume pas sa part de fantastique.
Au contraire, La Main dévoile même certaines des possessions les plus effrayantes vues ces derniers temps dans son dernier acte, nettement plus glauques que celles de productions interchangeables comme La Proie du diable ou L'Emprise du démon. Même si son intrigue tient sur un post-it et que ses effets prennent le pas sur des personnages abandonnés en cours de route, en dehors de son héroïne condamnée et écrasée par ses traumatismes, le film s'impose aisément comme l'un des coups de cœur horrifiques de l'année.
La Main de Danny et Michael Philippou, en salles le 26 juillet 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.