La Petite : Fabrice Luchini émouvant en père endeuillé

La Petite : Fabrice Luchini émouvant en père endeuillé

CRITIQUE / AVIS FILM – " La Petite ", dernier long-métrage de Guillaume Nicloux, met en scène Fabrice Luchini dans le rôle inédit d’un veuf qui retrouve goût à la vie après avoir perdu son fils.

Le deuil d’un père

On n’attendait pas forcément le réalisateur Guillaume Nicloux sur le terrain de la tendresse. Les producteurs de La Petite ont eu l’idée de lui proposer l’adaptation du roman de Fanny Chesnel intitulé Le Berceau. Le héros Joseph est porté par Fabrice Luchini, dans une interprétation très sobre et plutôt émouvante, au moins dans la première partie du film.

Les premières images de La Petite rendent l’acteur très crédible dans la peau de ce veuf taciturne, concentré sur son travail d’ébéniste dans la région bordelaise. Le travail du bois, le sens du détail et du beau, le geste précis le rendent inaccessible au monde. Seul un coup de téléphone vient perturber son silence, puis sa vie. Il apprend la mort dans un accident d’avion de son fils Emmanuel, avec lequel il était en froid.

Joseph (Fabrice Luchini) - La Petite
Joseph (Fabrice Luchini) - La Petite ©SND

Le film montre très bien comment l’incrédulité, la sidération et le déni, bien connus dans le processus de deuil, s’emparent de Joseph. À travers la bulle de sa douleur, incapable d’agir dans ce temps suspendu, il voit s’agiter les parents de Joachim, le compagnon de son fils. Quand eux veulent se battre et attaquer la compagnie aérienne en justice, lui ne pense qu’à se replier sur lui-même. Sa fille Aude (Maud Wyler), elle aussi accablée par le chagrin, veille sur son père.

Alors qu’il délaisse son travail et son art, Joseph apprend que les deux hommes avaient lancé une Gestation Pour Autrui en Belgique, leur pays de résidence. Autant les parents de Joachim rejettent l’idée d’un lien possible, autant cette nouvelle redonne à Joseph une raison de vivre. Dès lors, retrouver la mère porteuse anonyme de cet enfant conçu avec le sperme de son fils devient son seul but.

L’espoir d’être grand-père

Le spectateur bouleversé accompagne donc Joseph dans son voyage jusqu’à la ville de Gand, lui qui ne parle pas le flamand. Il est aidé dans ses recherches par Aude, personnage dont on regrette le manque d’ampleur et la prise en compte de la douleur. D’autant que les arguments raisonnables que la jeune femme célibataire sans enfant oppose à son père, qui font aussi résonance à ceux du spectateur, sont balayés du revers de la main par le réalisateur. Ils ne font pas le poids par rapport à Joseph.

Car ce que Joseph veut, Joseph l’obtient. Comme le berceau magnifique et hors de prix qu’il acquiert aux enchères. Pourtant, à ce stade du récit, le film prend la forme d’une quête obsessionnelle et surtout très égocentrée. Elle suscite même un certain malaise chez le spectateur, qui se retrouve pris au piège de son empathie pour l’état de deuil de Joseph, alors qu’il se joue bien autre chose.

Rita (Mara Taquin) - La Petite
Rita (Mara Taquin) - La Petite ©SND

Car si la question philosophique et sociétale de fond de la GPA - payer pour avoir un enfant - est au cœur du film, c’est bien le passage en force de Joseph qui dérange. Il a retrouvé Rita (Mara Taquin), qui a refusé à plusieurs reprises tout contact avec lui. Pourtant Joseph insiste et va tout faire pour s’immiscer dans sa vie. Le réalisateur utilise alors le cabotinage habituel de Fabrice Luchini pour faire rire aux dépens de ce refus somme toute compréhensible, voire légitime.

Il amadoue Rita, d'abord grâce à l’argent dont elle a réellement besoin puisque les pères décédés n'ont pas pu respecter les dates de paiements. Puis il joue sur sa fibre maternelle en créant une relation particulière avec sa fille Ava (Juliette Metten). Il est vrai que la gamine de 9 ans est touchante et assez éveillée pour comprendre que sa mère porte un enfant pour d’autres et qu’il ne va pas rester avec elle et sa grand-mère (Veerle Baetens).

Comment une naissance bouleverse des vies

Le film s'amuse de l’opposition permanente entre la France et la Belgique. Entre les lois des deux pays. Entre les femmes et Joseph, ou entre leur milieu populaire et son milieu bourgeois. Entre les parents de Joachim opposants farouches de la GPA et Joseph qui n'a pas d'opinion sur la question si ce n'est son propre intérêt. Entre le vide de la vie de Joseph et le plein de celle de Rita. Mais jusqu’où le plein doit-il combler le vide ? Et surtout est-ce le rôle de cette femme de combler un tel manque ?

On sait que le cinéma a pour vocation de bousculer les consciences et les préjugés, et de susciter les réflexions. La Petite est certes dans son rôle, ayant aussi le mérite d’aborder ce sujet complexe d’un point de vue moral. Mais le film l'interroge de façon trop manichéenne avec un côté mansplaining dérangeant, puisqu'un homme explique à une femme comment elle devrait se comporter et ce qu'elle devrait ressentir. Si La Petite est un film touchant qui aborde avec pudeur le sens de la vie après la perte d’un proche, il déçoit quant au traitement empreint de jugements qu'il propose sur le thème du lien.

La Petite de Guillaume Nicloux, en salle le 20 septembre 2023Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la Rédaction

"La Petite" offre à Fabrice Luchini le rôle très émouvant d'un père endeuillé, dont les réactions égocentrées face à une mère porteuse sont plutôt déstabilisantes.

Note spectateur : 2.6 (5 notes)