CRITIQUE / AVIS FILM – " La Petite vadrouille " de et avec Bruno Podalydès invite le spectateur à participer à la joyeuse arnaque montée par une attachante bande de pieds nickelés. Avec Sandrine Kiberlain, Denis Podalydès et Daniel Auteuil.
Hommage à l’humanité de La grande vadrouille
Les films de Bruno Podalydès devraient être déclarés d’utilité publique, tant ils accrochent un grand sourire systématique aux lèvres des spectateurs. Leur fantaisie poétique, leur humour décalé et leur subtilité produisent toujours le même effet de joie. Rencontré à Bordeaux lors de la présentation en avant-première de son long-métrage La Petite vadrouille, le réalisateur dit "vouloir recélébrer les petits plaisirs simples que les gens ont sous le nez. Et les réconcilier avec la vie, des sensations familières, la sensualité des matières, les ambiances".
La petite vadrouille embarque donc avec bonheur le spectateur dans l’aventure de vieux amis fauchés. Bruno Podalydès, qui incarne Jocelyn, parvient à rendre attachants tous ses personnages baratineurs. Ainsi le couple formé par Albin (Denis Podalydès) et Justine (Sandrine Kiberlain), ancré dans ses habitudes. Rosine (Florence Muller), Sandra (Isabelle Candelier) ou encore Caramel (Jean-Noël Brouté, par ailleurs peintre et auteur des toiles du film).
Le réalisateur a l’habitude de travailler avec cette formidable troupe d’acteurs, dont le plaisir de se retrouver est réellement communicatif à l’écran. Franck (Daniel Auteuil), le patron de Justine, est impatient et imbu de sa personne. Il lui a demandé d’organiser un week end original pour séduire une femme. Bruno Podalydès, qui "sentait que ce personnage pouvait vite être antipathique et lourd, voulait un acteur avec du charme mais aussi un côté un peu enfantin".
Ode à la lenteur
La somme que Franck paye cash donne évidemment l’idée à ces filous à la petite semaine de monter un coup. Les joyeux drilles se lancent alors dans l’idée géniale d’une fausse croisière fluviale romantique. Si le but final est l’arnaque, c’est bien leur joie d’avoir un projet à mener ensemble qui les anime. Car La petite vadrouille détaille avec jubilation tous les préparatifs et les mises en scène pour faire raquer Franck le plus possible.
Jocelyn, qui doit convoyer une péniche, en sera le capitaine. Ifus (Dimitri Doré), un jeune dont il s’occupe, en sera le mousse. Chacun aura un rôle précis à jouer pendant la croisière et à chaque écluse : peintre, restaurateur, serveur, artiste, éclusier. Et évidemment, rien ne se passera comme prévu. La maladresse, la naïveté et les malentendus s’inviteront dans ce voyage fluvial hors normes.
Les personnages croiseront des plus jeunes en bateau, mais aussi, clin d’œil pour celles et ceux qui connaissent les films du réalisateur, une glaviole. Et le ravi de la crèche ne sera pas nécessairement celui que l’on croyait. Ce qui est attendrissant dans La Petite vadrouille, ce sont les nuances des situations et les contradictions des personnages. On rit beaucoup, mais jamais contre eux. Car il n’y a pas une once de méchanceté chez Bruno Podalydès.
Le réalisateur loue "l’humanité de ses interprètes", ainsi que "la compréhension fine, intime et non formulée de la scène" de Sandrine Kiberlain. Justine est en effet une femme authentique, confiante et bienveillante. Elle navigue habilement entre ces deux mondes bien opposés et si peu complémentaires. Elle est le pivot qui permet la rencontre improbable du sérieux et de l’inabouti. De l’élégant et du faux-semblant, du fric et de la dèche, mais aussi de la solitude et de l’amitié.
"Ô temps, suspends ton vol"
Mais qu’on ne s’y trompe pas : le ton de la comédie de La Petite vadrouille permet également au réalisateur des réflexions plus profondes. Il poursuit ainsi le fil rouge de sa filmographie de mise en lumière des aspects sombres de l’évolution de la société. Comme les différences de milieux sociaux ou la cruauté du monde du travail à laquelle sont confrontés les protagonistes en galère.
Car pour Bruno Podalydès, "on peut montrer ce qui oppresse les gens sans que ça soit formulé. Et si on arrive à rire de quelque chose, on s’en libère et l’oppression peut s’arrêter". Enfin, comme souvent dans ses films, Bruno Podalydès offre des occasions de partager ses connaissances. Ainsi les écluses et les sections de canal entre deux écluses, qu’on appelle les biefs, n’auront plus de secret pour le spectateur.
Grâce au casting et à une mise en scène en nuances, La Petite vadrouille tient bon la barre de sa péniche et se révèle un film très réjouissant !
La Petite vadrouille de Bruno Podalydès, en salle le 5 juin 2024. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.