CRITIQUE FILM - "La Route Sauvage" d’Andrew Haigh retrace le parcours initiatique d’un jeune garçon en perdition et en quête de foyer. Un film touchant, mais une œuvre qui pêche par une trop grande fidélité au roman.
La Route Sauvage suit le jeune Charley Thompson, quinze ans. Ce dernier vit seul avec un père inconstant et manquant de maturité. Tout juste arrivé dans l’Oregon, le jeune garçon se trouve un petit boulot chez un entraîneur de chevaux et se prend d’affection pour Lean on Pete, un pur-sang en fin de carrière.
À la suite d’un accident, Charley décide de s’enfuir avec Lean on Pete, à la recherche de sa tante dont il n’a qu’un lointain souvenir. Il se retrouve à parcourir les grands espaces américains en quête de protection et en proie à la dureté de la vie.
Une histoire à la Steinbeck
La Route Sauvage est tiré du roman du même nom écrit par Willy Vlautin. Cette histoire s’inscrit parfaitement dans la tradition des romans à la John Steinbeck. Ainsi, les personnages que dépeint le film ne sont pas des personnages aisés et des héros au destin hors du commun. Ce sont des gens imparfaits, abîmés par la vie, en proie à un certain manque.
J’en conviens, nous sommes faibles, malades, laids et querelleurs, mais si nous n’étions que cela, il y a bien longtemps que nous aurions été rayés de la surface de la Terre.
John Steinbeck
Le personnage de Charley Thompson, interprété brillamment par le jeune Charlie Plummer, fait ressentir, sans jamais en dire un mot, toute son insécurité. Cette insécurité prend vie dans son affection envers Lean on Pete, un cheval que son propriétaire juge sur la fin. À travers ce cheval, c’est contre son propre sentiment d’inutilité que le jeune garçon s’oppose et se bat. Ce combat se nomme la survie.
Dans sa fuite, Charley se retrouve livré à lui-même et démuni. Au milieu de ses grands espaces, sa solitude n’en est que plus grande. Il se heurte également à ce qui est probablement son obstacle majeur : sa condition d’enfant. Celle qui fait que des adultes bienveillants n’ont d’autres solutions à lui proposer que les services sociaux, et d’autres moins bien veillant d’user de sa faiblesse. Tout comme Lean on Pete, il comprend très vite qu’il a un besoin fondamental d’être guidé.
Le film souffre de sa force
La Route Sauvage compte une histoire touchante et profonde où chaque élément signifie quelque chose. Mais la vision de cette œuvre renvoi immanquablement au roman dont elle est tirée. En effet, en prenant l’exemple de l’auteur John Steinbeck, toute la force du récit réside dans l’écrit, mais un livre et un film sont deux médias différents aux composantes différentes. Pour votre serviteur, un roman écrit permet plus facilement la rêverie et l’évasion. La lecture d’une œuvre permet d’apprécier une histoire en prenant plus de temps, l’écrit laisse à son lecteur du recul. À l’inverse, le média film prend le risque de perdre son spectateur s’il ne le tient pas.
La route Sauvage laisse ainsi ce sentiment (peut-être sévère) d’avoir vu, non pas un film à part entière, mais un roman filmé. Par instant, le film avance lentement, au rythme du garçon, cette lenteur n’est-elle pas plus efficace dans le roman que dans le film ? Ce sentiment renvoie inévitablement à l’interrogation suivante : le réalisateur n’est-il pas resté trop fidèle au roman ? La question est difficile, mais l’histoire du cinéma regorge d’exemples. Nombre d’adaptations se sont avérées parfaitement réussies en ne respectant pas totalement l’œuvre original, elles sont ce qu’elles doivent être, une autre œuvre. Le film La Route Sauvage n’aurait il pas été plus fort s’il avait pris plus de distance avec le roman dont il est tiré ? Mais cela reste une question et chaque spectateur y trouvera sa réponse.
Au final, La Route Sauvage trouvera ses spectateurs, mais peut également en perdre d’autres. Le film demeure une création qui mérite d’être découverte, avec une histoire touchante et profonde, servie par d’excellents acteurs, avec en première ligne Charlie Plummer.
La Route Sauvage d’Andrew Haigh, en salle le 25 avril 2018. Ci-dessus la bande annonce.