CRITIQUE/AVIS FILM - Entre "Lukas" où il dirigeait Jean-Claude Van Damme et le développement de son projet au long cours de film sur Alain Prost, Julien Leclercq livre avec "La Terre et le sang" un thriller compact et énergique, violent et brutal, qui se place avec réussite au carrefour de plusieurs genres du cinéma d'action. Disponible le 17 avril sur Netflix.
Julien Leclercq de retour avec La Terre et le sang
La Terre et le sang est le nouveau film de Julien Leclercq, deux ans après Lukas. À 40 ans, le réalisateur, aussi producteur et scénariste, signe déjà son sixième long-métrage. Une filmographie de réalisateur qui compte entre autres L'Assaut en 2010, et Braqueurs. Le succès international de Braqueurs sur Netflix, bien au-delà de ses 300 000 entrées françaises en 2016, a convaincu la plateforme américaine de collaborer avec Julien Leclercq, et c'est donc sur Netflix que sort directement La Terre et le sang.
Le genre de cinéma qu'explore Julien Leclercq est sans doute plus populaire au-delà qu'au sein de nos frontières, ce qui est parfait pour la stratégie de Netflix. Plutôt que de proposer des contenus pensés mondialement pour espérer des succès locaux, il s'agit de faire l'inverse, en pariant que de bonnes productions locales plairont chez elles et surtout surprendront l'international, comme cela l'a été avec par exemple La Plateforme ou le film turc 7. Koğuştaki Mucize.
La Terre et le sang, promenons-nous violemment dans les bois
Netflix et Julien Leclercq se sont bien trouvés, le réalisateur trouvant un espace de liberté pour faire ce qu'il aime le plus : du cinéma brutal, droit dans les yeux, un spectacle violent et haletant qui doit être un divertissement adulte réussi. C'est le cas avec La terre et le sang, qui est un pur film d'action, un thriller noir où se lit le plaisir de redessiner les anti-héros des films noirs français et américains avec lesquels le réalisateur a grandi.
Quelque part dans le Nord de la France, deux chemins pluvieux vont se croiser. Le vol d'une importante quantité de drogue finit détourné, et se retrouve alors dans la scierie de Saïd (Sami Bouajila). Celui-ci a une santé déclinante, et il compte revendre la scierie pour assurer un autre avenir à sa fille Sarah (Sofia Lesaffre), sourde. Lorsqu'il découvre qu'un de ses apprentis (Samy Seghir) a caché la drogue chez lui, il est malheureusement trop tard : le terrible propriétaire de la cargaison est à la porte et il ne compte pas laisser de témoins...
Un thriller compact et épuré
La courte durée du film, 1h20, correspond bien au déroulé brutal de cette histoire simple. Saïd va s'opposer au terrifiant Adama (Ériq Ebanouey) et ses hommes dans un affrontement dont on appréciera le soin technique et la dissymétrie : Saïd dispose d'abord d'un fusil de chasse à deux coups, et doit faire face aux armes de guerre de ses assaillants. Dans les bâtiments de la scierie ou dans la forêt alentour, où se terminera une poursuite entre un tracteur et un et 4X4, les images d'un home invasion défilent. La mise en scène de Julien Leclercq fait la part belle à la mécanique : celle du thriller, assurée en collaboration avec Jérémie Guez à l'écriture, et la mécanique que l'on peut toucher, celle des armes, des voitures, des machines industrielles.
La Terre et le sang est incarné, dans un style qui ne se veut pas minimaliste mais qui le deviendrait presque, s'épurant à mesure que le film avance. Il n'y a pas de rebondissements, d'histoire optionnelle ou d'issues, la démarcation est nette entre les bons et les méchants, on est entièrement et uniquement dans un thriller noir et sans pitié, coincés dans cette scierie-poudrière.
Un film brutal, entre home invasion et survival
Il peut ainsi évoquer des films comme Assaut, Nid de guêpes, avec un peu du Convoyeur. Tous ont en effet en commun de dérouler dans un format d'action très précis le mécanisme tragique, sans tromper ou amuser le public en y insérant des rebondissements qui serait improbables. La Terre et le sang se trouve ainsi à un carrefour de sous-genres précieux : le survival, le home invasion, le run, et il joue avec succès de leurs codes.
Il pourra même rappeler par instants la séquence de La Mémoire dans la peau, lorsque Jason Bourne affronte l'agent incarné par Clive Owen. On sent la froideur de l'air, on se pique sur des échardes, on se plonge dans la poudre des armes et la graisse des outils. Il faut utiliser les particularités du terrain, il faut jouer de ses désavantages, se mettre aux bonnes distances. L'exercice de style est, sur les deux derniers tiers du film, parfaitement réussi, seule l'exposition des personnages de la première partie pêche par le souci d'être explicite, alors qu'elle aurait pu s'arrêter aux suggestions.
Un exercice de genre réussi
Sami Bouajila est un acteur de grand talent, et il le prouve encore dans ce rôle d'action hero français. C'est son troisième film avec Julien Leclercq, dans un rôle très proche de celui de Braqueurs, et à l'inverse de l'antagoniste qu'il incarnait dans Lukas. Droit dans ses bottes, déterminé, il incarne parfaitement ce courage désespéré de celui qui n'a presque plus rien à perdre. Ça tire dans tous les sens, et de leur côte Ériq Ebouaney et Sofia Lesaffre remplissent leur rôle et fonction avec aisance, mention spéciale pour la jeune actrice dont la survie est l'enjeu fondamental du film.
Mais en vrai film de genre, en thriller qui n'est pas poseur, La Terre et le sang ne se repose pas sur l'adoration de ses personnages et de ses acteurs, mais sur le plaisir de voir les assaillants tomber les uns après les autres dans des moments furieux. Et sur cette idée, c'est un très bon spectacle.
La Terre et le sang, de Julien Leclercq. Disponible sur Netflix le 17 avril 2020. La bande-annonce ci-dessus. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.