CRITIQUE / AVIS FILM - Grand Corps Malade et Mehdi Idir reviennent avec leur second film "La vie scolaire" qui, malgré son humour et sa bienveillance, n’évite pas certains clichés.
Patients, le premier film du duo Grand Corps Malade (alias Fabien Marsaud) et Mehdi Idir, plongeait le spectateur dans le vécu à l’hôpital de Grand Corps Malade après son accident : rééducation, amitiés, déceptions, premières amours et rétablissement. Il y avait beaucoup de bienveillance et de rires, sans dégoulinade de sentiments. Cette fois-ci, le duo embarque le spectateur dans la vie d’un collège de Seine Saint-Denis durant une année scolaire. La recette est la même que pour leur premier film : sujets de réflexion profonds évoqués avec bonne humeur mais sans catastrophisme. Et on retrouve d’ailleurs quelques acteurs de leur premier film, tels Moussa Mansaly et Alban Ivanov, qui interprètent deux surveillants et Soufiane Guerrab en prof de maths.
Car ce qui est abordé dans La vie scolaire- et c’est loin d’être le premier film à le faire, c’est l’éducation et les difficultés rencontrées dans un collège réputé difficile. Mais le principal intérêt du film, c'est qu'il insiste sur la porosité qui existe entre cité et collège, ainsi qu’entre enseignants, surveillants et élèves qui y vivent. Tout ce petit monde se connaît et se côtoie, ce qui crée une grande complicité. Il n'est pas toujours simple de faire la part des choses et de se maintenir à bonne distance, comme le suggère l'emploi très fréquent des « ferme ta gueule », qui fatigue parfois les oreilles.
Dans La vie scolaire, les deux réalisateurs scénaristes s’attachent non pas à un héros, mais à deux. Ils suivent ainsi en parallèle Samia (Zita Hanrot, parfaite) la nouvelle Conseillère Principale d’Éducation du collège et Yanis (Liam Pierron, impressionnant dans son premier rôle), un jeune garçon de la classe de troisième Sans Option. Très lucides, les élèves ont baptisé « SOP » cette classe presque sans espoir, car elle regroupe tous ceux qui sont en retard dans leur parcours scolaire et n’ont pas vraiment de projets d’avenir. Samia et Yanis partagent surtout un autre point commun que le collège : la case prison pour l’un de leur proche. Samia vient d'ailleurs de se faire muter dans cette Zone d’Éducation Prioritaire pour se rapprocher de son conjoint, qui se dit injustement condamné pour fraudes. Quant à Yanis, c’est son père qu’il visite en prison.
Ode au personnel de l'Éducation Nationale
Samia et Yanis s’y croisent, créant de fait un lien spécial constitué de secret et de honte, qui leur sera utile pour affronter l’année. Car Yanis va souvent aller dans le bureau de la CPE en raison de son mauvais comportement. On a un peu de mal à croire à cette relation idyllique montrant Samia, dont le métier incite pourtant à l’absolue distance émotionnelle, comme sa bonne fée, son ange gardien, son Jiminy Cricket. Samia est plus que compréhensive et même clairvoyante, comme si elle percevait encore mieux que tout le monde ce que Yanis peut devenir malgré son parcours familial.
Non seulement elle défend Yanis, mais elle croit en lui et en son potentiel pour travailler dans le cinéma (petit clin d’œil que s’autorisent les réalisateurs sur leur propre parcours). Cette mise en scène qui suit les deux héros est d’ailleurs symbolisée par un magnifique plan de fête et de danse, filmant d’un côté en parallèle et au ralenti Samia au milieu des profs et des surveillants, et de l’autre Yanis avec ses potes.
Le décor du collège est plutôt bien planté, et La vie scolaire se veut une double ode à l’Éducation Nationale et à son personnel, ainsi qu’aux jeunes de la cité. Pourtant, tout en faisant rire, le film n’évite pas les clichés de la pédagogie humaniste via l’humour. C’est le parti pris des réalisateurs d’en faire le point d’entrée pour faire front face aux élèves, et les mettre face à leurs responsabilités. Les surveillants se bidonnent et font des blagues redondantes aux élèves tout en se lançant des challenges improbables. Ils forment avec les profs très investis dans leur métier un petit groupe sympathique, ouvrant les bras à la nouvelle CPE avec beaucoup de bienveillance.
Les deux scénaristes ne peuvent pas s’empêcher de rendre leurs héros sympathiques et attachants, c’est plus fort qu’eux. Ils partent du principe que l’on peut aborder des sujets graves sans plomber l’ambiance. Mais ils ont aussi tendance à excuser un peu trop rapidement les agissements du jeune Yanis et à contrebalancer son arrogance et son manque de respect envers les professeurs avec son humour et sa tchatche. Ils le montrent, malgré tout, la tête sur les épaules. Les réalisateurs n'hésitent pas à pousser le bouchon un peu loin dans l’empathie forcée en montrant un professeur au bord de l’épuisement (Antoine Reinartz) insulté par Yanis. Le prof demande une mesure d’exclusion et trouve en face un front pro-Yanis inattendu, constitué notamment de la CPE et du prof de maths. Avec ce moment de bascule assez peu crédible dans la réalité, le film choisit son camp et crée un certain malaise, même si la morale est sauve. La vie scolaire se révèle donc une chronique sympathique de la vie dans un collège au traitement assez inégal, mais dont l’humour plaira sans nul doute aux jeunes et le côté idyllique peut-être un peu moins aux personnels de l’Education Nationale.
La vie scolaire de Grand Corps Malade et Mehdi Idir, en salle le 28 août 2019 – Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.