CRITIQUE / AVIS FILM – "L’Abbé Pierre - Une vie de combats" de Frédéric Tellier aborde brillamment d’un point de vue intime les combats de l’Abbé Pierre (1912-2007), iconoclaste engagé et grand défenseur des sans-abris. Avec Benjamin Lavernhe et Emmanuelle Bercot.
Comment Henri Grouès est devenu L’Abbé Pierre
Nombreux sont ceux qui se souviennent encore de l’humanisme de ce prêtre catholique et de son combat contre la misère et le froid au travers de la création d’Emmaüs. Avec sa cape, sa canne et son béret, ses attributs reconnaissables entre tous, le petit homme déterminé débordait d’énergie et de colère. Le réalisateur Frédéric Tellier (Goliath, Sauver ou périr) n’est pas le premier à faire revivre à l’écran l’Abbé Pierre. On pense notamment à Lambert Wilson dans Hiver 54, l'abbé Pierre, qui évoquait un moment fondateur de sa vie. Mais dans L’Abbé Pierre - Une vie de combats, le réalisateur et son coscénariste Olivier Gorce donnent à voir l’homme depuis ses 25 ans jusqu’à son décès en 2007, à 94 ans.
L’Abbé Pierre - Une vie de combats est un film réussi pour plusieurs raisons. D’abord grâce à la remarquable interprétation de Benjamin Lavernhe, qui s’essaye pour la première fois au genre du biopic. Même s’il ne lui ressemble pas tant que cela physiquement, il est tout à fait crédible. Rencontré à Bordeaux, l’acteur dit avoir « mis sa voix, son corps et son humanité au service de l'Abbé. Sans jamais être dans l’obsession de l’imitation, mais bien dans l’intensité de conviction et d’émotion de vivre les situations ».
Il importait surtout à l‘acteur « de trouver la vérité de l’homme, de son énergie et de sa foi et d’être le plus en connexion avec lui ». Afin de« s’imprégner et de se sentir légitime », le comédien s’est ainsi préparé au rôle en se documentant à partir de livres et d’archives vidéos et sonores. Il a rencontré Laurent Desmard, dernier secrétaire particulier de l’Abbé, et fait des maraudes avec Emmaüs.
L’Abbé Pierre, un homme qui a marqué l’Histoire
La seconde raison de la réussite de L’Abbé Pierre - Une vie de combats, c’est que l’on apprend beaucoup de choses de la jeunesse tourmentée de L’Abbé Pierre. Les auteurs, qui souhaitaient aborder l’homme derrière l’icône, évitent très bien l’écueil de l’hagiographie. Ils n'épargnent rien de son mauvais caractère et de son hypersensibilité. Ni même de sa façon abrupte de bousculer les politiques et tous ceux qui lui barraient le chemin.
Le rôle de l'Abbé dans la résistance, les risques qu’il a pris, et les choix difficiles qu’il a eus à faire en tant que meneur d’hommes sont bouleversants. Le film permet de saisir l’origine de cette fameuse colère qui l’accompagnera toute sa vie. Une colère canalisée par sa rencontre pendant la guerre avec Lucie Goutaz (Emmanuelle Bercot), cofondatrice d’Emmaüs. Ce duo improbable de deux êtres complémentaires, forts de leur amour platonique, est particulièrement touchant.
Super-héros rebelle
Enfin, la dernière raison qui rend le film aussi intéressant, c’est qu'il traverse un pays et un siècle. Un argument qui devrait convaincre le public qui ne le connait pas de venir passer deux heures en compagnie de l'Abbé. Et de découvrir, comme l’espère Benjamin Lavernhe ,« au-delà du vieil homme poussiéreux, un super héros rebelle avec une parole très libre. Un révolutionnaire très en avance sur son temps dans ses prises de position ».
Deux petites réserves toutefois à propos des choix du réalisateur, qui alourdissent la mise en scène déjà bien assez emphatique. Ainsi le cadrage via des lensbaby et le surjeu de Michel Vuillermoz en compagnon d’Emmaüs. Rappelant que ces combats sont, hélas, bien loin d'être terminés, L’Abbé Pierre - Une vie de combats se révèle donc un film lumineux et nécessaire sur le destin d’un homme extraordinaire.
L’Abbé Pierre - Une vie de combats de Frédéric Tellier, en salles le 8 novembre 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.