CRITIQUE FILM - Avec "L’Amour est une fête" Cédric Anger se lance dans un film sous forme d’enquête policière au cœur du milieu pornographique parisien.
L’amour est une fête donne de belles promesses et suscite une certaine excitation. Un film français entre Boogie nights et Donnie Brasco, avec un casting très talentueux. Tout laisse à penser que les éléments de la réussite sont réunis. Mais au final, L’amour est une fête donne le même effet qu’un porno : il soulage sur le moment, mais reste loin d’offrir les sensations d’une vraie histoire.
L’amour est une fête suit Franck (Guillaume Canet) et Serge (Gilles Lellouche), en 1982, ils sont nouvellement patron d’un Peep-Show à Pigalle, Le Mirodrome. Mais l’activité n’est pas au rendez-vous et les dettes s’accumulent. Pour remédier à cela, ils ont l’idée de faire des films pornographiques avec leurs strip-teaseuses pour mieux attirer le client. L’idée cartonne et le succès est au rendez-vous. Mais il suscite aussi la convoitise des concurrents installés depuis longtemps. Un soir, Le Mirodrome est attaqué et vandalisé par des hommes cagoulés. Dos au mur financièrement, Franck et Serge sont contraints de faire affaire avec leurs concurrents. Mais ce que ces derniers ignorent, c’est que Franck et Serge sont tous deux enquêteurs infiltrés dans le but de faire un grand coup de filet dans le milieu du X. Une seule question se pose désormais, qui l’aura dans le…
Des éléments très prometteurs
Les années 80, le quartier de Pigalle, le milieu sombre et caché de l’industrie du X. Le décor est planté et il est prometteur, pour ne pas dire alléchant. Ainsi, les années 80 sont le théâtre d’une question morale qui secoue les mœurs, l’avènement de l’industrie du porno. En effet, dans ces années-là, la chaîne Canal + avait bousculé les mentalités en faisant entrer le film pornographique à la télévision. Et L’amour est une fête pose immédiatement ce conflit entre liberté et moral, et cette question anime les personnages principaux, Franck et Serge. Le film permet également de montrer un milieu qui reste discret, comme une porte que personne n’ose franchir. Cédric Anger entre complètement dans ce milieu fantasmagorique, avec une esthétique parfaite, des couleurs flachies en plein cœur de l’obscurité. À travers, les décors et le look des différents protagonistes, le réalisateur refait vivre les années 80. L’ambiance est parfaitement recréée et met le spectateur dans un univers.
Des acteurs parfaits
L’amour est une fête repose également sur son casting talentueux. Le duo Guillaume Canet et Gilles Lellouche marche parfaitement. L’un représente une intelligence froide et calme et l’autre est plus dans la lourdeur et le rentre-dedans. Ce jeu de personnages opposé permet également quelques moments drôles, et il correspond tellement au duo de flic qui fonctionne bien. Le duo des opposés qui se rapproche. Les deux hommes se retrouvent tous les deux, avec leur sensibilité différente, animés par les mêmes questions.
En face de ce duo de grands acteurs, il fallait forcement du lourd. Et Cédric Anger a trouvé l’acteur parfait pour cela. Le très (très très) doué Michel Fau. Décidément, ce dernier montre à quel point il peut être fort dans différents registres.
Dans L’amour est une fête, il ne se contente pas d’être bon, il est énorme. Il interprète un patron de peep-show installé depuis de nombreuses années. Dès ses premières paroles, et malgré son apparente gaîté, le spectateur saisi tout de suite qui est le patron. Les deux personnages principaux comprennent aussi qu’il est le gros poisson, et qu’ils doivent faire avec lui.
Michel Fau offre aussi un personnage nuancé, un homme d’affaires plein de gaîté, toujours souriant, mais qu’il faut prendre au sérieux, car il n’aura aucun état d’âme à vous écraser, et une personne plus sensible qu’il n’y paraît, un homme qui a du cœur.
Le regret : le film ne va jamais au fond des choses
L’amour est une fête, laisse au final un goût de frustration, qui laisse à penser qu’il n’est, au final, que divertissant. En effet, le film évoque les questions les plus importantes du film, plus qu’ils ne les interrogent franchement.
Pour prendre comme exemple Donnie Brasco, dans ce film, jusqu’au bout, Johnny Depp est tiraillé entre des brigands, pour lesquelles il s’identifie, et sa hiérarchie pour laquelle il a l’impression qu’elle n’a aucune reconnaissance pour lui. Et à la fin de ce conflit, le personnage de Donnie Brasco arrive près du précipice, il sait aussi qu’il peut perdre les gens qu’il aime. Pour L’amour est une fête, ce conflit est bien plus allégé, les rôles principaux sont animés de doute, mais ils font leur choix bien vite, sans que cela ne leur en coûte trop, ils ne perdent pas tant que cela dans leur choix. De plus, la question initiale du film, entre liberté et moralité, demeure peu creusée, alors qu’elle aurait pu être parfaitement incarnée par les personnages. Une nouvelle fois, ceux-ci ne se retrouvent pas « au bord du précipice », là où tirailler, ils ne savent plus quoi faire.
Pour conclure, L’amour est une fête s’avère un film sympathique, avec une superbe esthétique et accompagné par des acteurs de talents. Mais qui empathie par son manque de profondeur. C’est ce qui le démarque des classiques du genre.
L'amour est une fête de Cédric Anger, en salle le 19 septembre 2018. Ci-dessus la bande-annonce.