CRITIQUE FILM - Sorti initialement en 2003, "L'Arche russe" est de retour dans les salles dans une version entièrement restaurée. Le classique russe d'Aleksandr Sokurov comptabilisait à l'époque quatre nominations au Festival de Cannes dont celle pour la Palme d'Or.
L'Arche russe raconte comment le cinéaste Aleksandr Sokurov s'est plongée dans le musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg. Il traverse le temps et les salles du palais pour retracer l'histoire de la Russie. Tourné en un seul plan-séquence, ce long-métrage est l'occasion de retourner dans les tréfonds du célèbre musée.
Un véritable défi technique
Forcément, qui dit plan-séquence, dit préparation méticuleuse. Sur 1h30, Aleksandr Sokurov a dû veiller à ce que les moindres détails soient respectés. Sur des mois entiers, le cinéaste a répété sa chorégraphie à l'intérieur même du musée, avec plus de 860 acteurs et figurants, et épaulé par 22 assistants à la réalisation. Un tournage titanesque pour un pari fou. D'autant que L'Arche russe a été tournée en une seule et unique fois le 23 décembre 2001. La préparation d'Aleksandr Sokurov était telle que tout s'est déroulé à la perfection. Cet exploit n'avait encore jamais été concrétisé auparavant.
Et qui dit plan-séquence dit forcément absence totale de montage. Pourtant celui-ci permet de donner du rythme à une œuvre, de créer de l'attention, du flux et des variations. Sans l'outil du montage, Aleksandr Sokurov devait absolument trouver des techniques pour combler cette absence et donner du rythme à son film. Le cinéaste parvient donc, seulement grâce à ses dialogues et ses mouvements de caméra, à donner un rythme à L'Arche russe. Un film tourné à la première personne qui, aidé par la voix off du cinéaste, humanise donc son point de vue interne. La caméra n'est donc plus un objet, mais les yeux d'un personnage, qu'il partage avec le public.
Cette technique permet au spectateur de s'identifier malgré l'absence de personnage principal. Ensuite, Aleksandr Sokurov parvient à transmettre du rythme uniquement via ses mouvements de caméra plutôt inspirés. Il joue sur la profondeur de champ pour imposer une identité à son image. Enfin, les dialogues et le scénario permettent de donner à L'Arche russe une atmosphère presque fantasmagorique dans ce mystérieux dédale de couloir.
Un trésor culturel russe
Le film d'Aleksandr Sokurov est surtout l'occasion de traverser les époques pour découvrir l'évolution du musée de l'Ermitage. Un monument historique de la Russie qui prend vit devant la caméra talentueuse du cinéaste. Mais plutôt que de montrer une évolution architecturale qui ne s'est pas forcément énormément métamorphosée, il préfère utiliser les gens. Ainsi, le peuple russe est pris à parti pour mettre en scène l'évolution sociale de la Russie. Aleksandr Sokurov prend le musée de l'Ermitage à témoin pour mettre en avant l'évolution de la Russie, mais d'un point de vue sociétal.
Une évolution qui s'étend des tsars du palais jusqu'aux touristes qui déambulent dans les couloirs du musée. Accompagné de Leonid Mosgovoi en espion hors du temps, le cinéaste erre, comme un spectre, à travers le temps et l'espace. Une idée scénaristique brillante magnifiée par la mise en scène très esthétique du plan-séquence qui donne au film son ambiance lancinante et hallucinatoire.
L'Arche russe de Aleksandr Sokurov, ressortie dans les salles le 20 mars 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.