CRITIQUE/AVIS FILM - Shane Atkinson réalise avec "LaRoy" une excellente comédie policière pour son premier long-métrage, mêlant avec brio l'humour et le drame pour un spectacle très divertissant et porté par un formidable casting.
LaRoy, une première réussie
Avant sa sortie dans les salles françaises le 17 avril 2024, la comédie noire LaRoy de Shane Atkinson a été la sensation du Festival de Deauville 2023. Il en est parti couronné d'un triplé prestigieux : Grand prix du jury, Prix du public et Prix de la critique. Il était ainsi écrit qu'on le reverrait vite : Shane Atkinson était présent à Reims Polar 2024 pour en faire l'ouverture avec LaRoy. Hors compétition, logiquement, après sa razzia à Deauville, parce qu'il aurait alors biaisé la compétition de ce 4e Festival international du film policier.
Avec LaRoy, son premier long-métrage après deux courts remarqués, Shane Atkinson a fait un film comme ceux qu'il aime, un film avec un premier crime et un détective, situé dans une ville texane imaginaire, entre la réalité et le fantasme qu'on en a : de la poussière, un soleil sec et des nuits noires, des rues vides aux motels dont les néons grésillent et la peinture s'écaille.
Ici, à LaRoy, Ray, gentil loser cocufié par sa femme ancienne reine de beauté, est prêt à se tirer une balle dans la tête quand il est confondu avec un tueur à gages. Un flingue dans une main, l'argent du contrat dans l'autre, il va alors mettre le doigt dans une mécanique dramatique aussi violente que drôle.
Un casting formidable pour un drame grinçant
Avant cette présentation de Ray, incarné par un excellent John Magaro, et de son acolyte le détective amateur Skip, tout aussi excellent Steve Zahn, Shane Atkinson a écrit et mis en scène une introduction savoureuse, où l'on découvre le véritable tueur à gages, Harry. L'occasion pour Dylan Baker de rappeler avec ce portrait d'un tueur rigoureux et psychopathe combien il est un acteur génial et sous-utilisé. Tout en cynisme et ironie, jouant dans les ombres de l'habitacle d'une voiture, cette introduction donne deux avertissements importants : ne pas se fier aux apparences, et ne pas jouer au plus malin. Et déclare dans le même mouvement son amour pour la noirceur et l'ambiguïté morale du cinéma dit policier.
Shane Atkinson aime ses personnages, des plus inutiles au plus actifs. Ceux qu'on filme en gros plan et ceux dont on ne garde que la silhouette. Skip et Ray, deux losers dont l'association est forcée par Skip, sont ainsi aussi drôles que désespérants dans l'exercice très abouti du duo de clowns. Ray promène son mal-être et son apparente faiblesse quand Skip gagne en témérité et en extravagance à mesure que les enjeux de l'intrigue gagnent en gravité. Autour d'eux, les personnages secondaires sont tout aussi soignés par Shane Atkinson, mention spéciale pour Dylan Baker ainsi que pour Megan Stevenson et Matthew Del Negro, respectivement épouse et frère de Ray, tout en bêtise et mesquinerie.
Une comédie humaine façon frères Coen
LaRoy s'inscrit dans un genre influencé par le cinéma des frères Coen, et il entretient un cousinage avec Sang pour sang et Fargo. Le génie des frères Coen est de parvenir tirer de la médiocrité presque banale des situations qu'ils développent de la hauteur de vue et des sensations métaphysiques. LaRoy n'y parvient pas, ou alors seulement dans une fulgurance, au bout du mécanisme dramatique qui finit de dénuder cette comédie humaine pour enfin faire apparaître l'humanité profonde de ses protagonistes.
Mais de cette prestigieuse influence, LaRoy prend surtout avec réussite le goût des personnages "moyens" confrontés au véritable "Mal" et l'absurdité de situations qui désamorce juste ce qu'il faut de leur violence et de leur tristesse. On rit donc beaucoup, et on finit même par s'émouvoir quand Ray, comme lassé de son perpétuel temps de retard sur l'action, prend enfin les choses en main. À ce moment, toujours décidé à sauver celle qui pourtant ne l'aime pas, Skip redécouvre son ami, et lui-même prend alors une nouvelle dimension pour Ray.
Infidélité, meurtres, arnaques, amitié : autant de fils que Shane Atkinson déroule avec un art consommé de la tragi-comédie pour faire de LaRoy un polar noir et drôle parfaitement abouti. LaRoy est un divertissement à ne pas manquer, une déclaration d'amour au cinéma de genre policier, et surtout une magnifique promesse pour la suite.
LaRoy de Shane Atkinson, en salles le 17 avril 2024. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.