Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête : la folie créatrice d’Ilan Klipper

Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête : la folie créatrice d’Ilan Klipper

CRITIQUE FILM - Dans "Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête" Laurent Poitrenaux est un romancier excentrique en perte d'inspiration, considéré fou par ses proches.

Voilà quasiment un an jour pour jour que Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête a attiré notre attention lors de sa présentation à l’ACID de Cannes en 2017. Un an avant que le film d’Ilan Klipper ne sorte enfin en salle. Un an marqué par des événements divers en France et à l'international, comme l’affaire Weinstein dont découla des mouvements féministes tels que #MeToo.

À première vue, ces événements sont difficilement associables avec l’histoire d’Ilan Klipper. Celle de Bruno, un romancier de cinquante ans qui vit reclus chez lui dans l’attente de retrouver l’inspiration. Inquiets, ses proches décident de lui organiser une intervention, et songe même à le faire interner. Pourtant, un élément du film marque bien autrement aujourd’hui qu’il y a un an. C’est Justyna, une jeune Femen qui vit en colocation avec Bruno, interprétée par la délicate et naturelle Alma Jodorowsky. Le temps d’une scène, elle apparaît nue devant son miroir le poing levé répétant, comme pour se donner du courage, son sloggan : « My rules, my pussy ». Plus tard, les parents de la jeune fille, en rejet total avec son combat et sa méthode (se mettre à nue), tenteront alors de la ramener chez eux.

Une tragi-comédie sur le processus créatif

Ces rares passages, qui bénéficient de la fraîcheur d’Alma Jodorowsky, offrent à Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête une part politique, critique de la société et du patriarcat. Mais avant toute chose, ce film d’Ilan Klipper interroge sur l’excentricité des êtres. Ou comment ce qui s’éloigne de la norme peut être perçu comme une folie. Justyna, qui ne rentre pas dans les cases désirées par ses parents, et donc évidemment Bruno, avec qui on navigue entre réalité et rêves. Qu’il s’agisse du réel ou de fantasmes, du présent ou du passé, on ne sait pas bien. Ilan Klipper jouant volontairement sur ces incertitudes en répétant des scènes ou en livrant un montage non-linéaire. Qui pourra dire alors si le Bruno le soir en slip en quête d’inspiration précède ou non celui en costume et charmeur devant Sophie (Camille Chamoux), la belle inconnue arrivée avec ses parents ?

Car l’essentiel est ailleurs. Celui d’une observation d’un processus créatif. Avec son débit de paroles ultra rapide, mais des mots parfaitement choisis, l’excellent Laurent Poitrenaux (Bruno) donne le tournis. Il incarne en lui tout le genre tragi-comique, tantôt pathétique et égocentrique, tantôt amusant et émouvant. Avec lui, Ilan Klipper nous balade merveilleusement dans un huis clos singulier le temps d’une journée à peine (entre le soir et le matin). Il parvient surtout à maintenir une loufoquerie ambiguë. Renvoyant de Bruno, face aux personnages qui s’opposent à lui (ses parents, un ami, son ex-femme), l’image d’un être bien plus sain d’esprit (dans le sens d’une conscience du monde qui l’entoure) qu’annoncé. Dans ses délires de pop acidulée, Ilan Klipper semble alors tenter de ramener la société à la raison. Ou du moins à l’acceptation de la liberté créatrice et du processus que cela implique pour un auteur, fondement même d’un cinéma indépendant qui, comme Bruno, n’aurait que faire des « problématiques » financières.

 

Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête d’Ilan Klipper, en salle le 23 mai 2018. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

"Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête" semble arriver à point avec l'actualité, tout en racontant de manière universel les troubles d'un artiste en panne d'inspiration.

Sur la bonne voie

Note spectateur : Sois le premier