CRITIQUE / AVIS FILM - Présenté en ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs du 72ème Festival de Cannes, "Le Daim" ne bousculera pas les habitués du cinéma de Quentin Dupieux. Jean Dujardin porte sur ses épaules avec une aisance remarquable un film ajusté parfaitement à sa taille.
Georges claque tout du jour au lendemain pour s’offrir le blouson 100% daim de ses rêves. Désormais sans attache ni réelle destination où aller, il erre, fier de porter ce vêtement de qualité. En plus d’une inquiétante schizophrénie qui se manifeste, Georges s’improvise cinéaste et sombre dans le même temps dans une folie meurtrière. Tel est le pitch du nouveau Quentin Dupieux, metteur en scène multi-tâches et si précieux dans le cinéma français. Avec Le Daim, il reste totalement ancré dans cette absurdité qui rend son travail à la fois attachant et poétique. Qu’on se le dise, les détracteurs du bonhomme ne seront pas aux anges devant cette proposition décalée.
La première apparition de Georges en dit déjà long sur qui il est. Dupieux le capte de profil, au volant de sa voiture, mais oriente sa mise en point au second plan, sur le décor. Ou plutôt, sur le monde. Ce monde auquel Georges ne peut appartenir, parce qu’il ne le désire plus. En une simple bascule de mise au point, le personnage est posé. Lui et les autres ne sont pas compatibles. Sa désormais ex-compagne ne manquera pas de lui faire comprendre, lors d’une conversation téléphonique, qu’il n’est plus rien. Son humanité, du moins, il la perd à mesure que le film avance. Chaque fois qu’il se dégote un nouvel objet en daim pour parfaire sa tenue, la folie s’empare de lui. Au point de le rendre coupable de crimes au nom d’une cause qui n’en mérite pas autant. Le dernier acte du film s'aventure sans complexe sur le terrain de l'horreur, nous gratifiant d'exécutions que quelques maîtres en la matière n'auraient pas renié.
Absurde, le film l’est indubitablement. Et chercher de grands discours théoriques ou philosophiques derrière cette immense farce macabre ne serait pas faire honneur à Dupieux. Son trip horrifique est surtout le portrait d’un marginal, superbement interprété par un irrésistible Jean Dujardin. Il était simple d’oublier avec ses nombreux rôles passables, quel excellent acteur il peut être lorsqu’on l’emploie correctement. Quentin Dupieux ne trouve pas en lui la poésie d’un Eric Judor mais il sait lui faire exprimer ce petit quelque chose d'inquiétant qui provoque autant rire que gêne. Le film avance sur un fil, sans ne jamais donner envie de s'intéresser ou s'attacher à ce personnage. Cependant - le génie de l'entreprise est là -, on accepte de cohabiter avec sa psyché défaillante. D'autant plus que Dupieux superpose sur la trajectoire de son personnage, une mise en abîme assez savoureuse, filmant quelqu'un qui se filme sans savoir ce qu'il filme réellement. N'y aurait-il pas un petit quelque chose de Dupieux qui se cache derrière Georges ?
Les aficionados du cinéaste n'y trouveront pas à redire. Il reste campé sur ses positions, injectant dans un paysage très réaliste une dose d’absurdité que seule lui sait doser de cette manière. Mais c’est en ne nous surprenant que très peu que le film atteint sa limite la plus flagrante. Le metteur en scène s’amuse, nous amuse, mais ne réinvente rien dans sa façon d’aborder l’exercice.
Le Daim de Quentin Dupieux, présenté au Festival de Cannes, en salle le 19 juin 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.