CRITIQUE / AVIS FILM - Après "The Jane Doe Identity" et "Scary Stories", André Øvredal est de retour avec "Le Dernier voyage du Demeter". Un film d'horreur où Dracula massacre l'équipage d'un navire qui quitte la Transylvanie pour rejoindre Londres.
Le Dernier voyage du Demeter : Dracula dans un bateau...
Cinéaste norvégien qui s'est fait remarquer avec Troll Hunter, André Øvredal n'a jamais réussi à retrouver l'équilibre idéal de The Jane Doe Identity, petit film d'horreur qui investissait avec brio un cadre réduit (une morgue isolée) et dont le mal parvenait à émaner d'un corps sans vie, celui d'une jeune femme sans identité. Une autopsie glauque et terrifiante qui laissait espérer de nouvelles surprises de la part de son réalisateur. Avec Scary Stories, il livrait un long-métrage doté d'un énorme potentiel mais trop sage et timide en scènes effrayantes pour convaincre pleinement. Idem avec Mortal, dans lequel un jeune homme tentait de maîtriser des pouvoirs dangereux, découvrant au fil du récit qu'il était (peut-être) la réincarnation de Thor, figure de la mythologie nordique. Un film sombre, à mille lieues des productions Marvel, mais inabouti et plombé par une fin expéditive.
André Øvredal est désormais de retour avec Le Dernier voyage du Demeter. Un projet avec lequel le réalisateur a la lourde tâche de s'attaquer à un mythe de la littérature qui revient régulièrement au cinéma ou à la télévision, parfois pour le meilleur (Dracula) et souvent pour le pire (Dracula 2001, Dracula Untold). Le long-métrage débute avec le départ d'un navire de commerce de la Transylvanie en direction de Londres, avec à son bord le capitaine Eliot (Liam Cunningham), son second Wojchek (David Dastmalchian), le docteur Clemens (Corey Hawkins) et plusieurs autres passagers. Dès la première nuit passée à bord du bateau, d'étranges événements se produisent. Alors qu'ils commencent par se suspecter les uns les autres, les membres de l'équipage sont rapidement forcés d'admettre qu'un être affamé se cache quelque part.
Une ambiance gothique très réussie
Basé sur le maigre carnet de bord intégré dans le roman culte de Bram Stoker, Le Dernier voyage du Demeter réussit le défi d'étirer un court chapitre sur près de deux heures, même s'il n'évite pas certaines longueurs et situations répétitives. Dans un lieu aussi cloisonné, André Øvredal a du mal à éviter les redites et certaines exécutions de Dracula s'avèrent forcément similaires. Mais le réalisateur a le mérite de n'épargner personne et surtout pas les âmes innocentes.
Il parvient surtout à instaurer une ambiance gothique teintée de paranoïa, explorant les nombreux recoins du navire, faisant monter la tension dans la brume et offrant des morts sanglantes. Son récit certes balisé bénéficie de la somptueuse photographie de Roman Osin (Orgueil et préjugés, The Jane Doe Identity) et Tom Stern (Impitoyable, Les Sentiers de la perdition). Ces derniers composent une image léchée mais qui n'use jamais à outrance des couleurs comme ont pu le faire (volontairement) Michael Ballhaus sur le Dracula de Francis Ford Coppola ou Peter Deming sur From Hell.
Plutôt que de tourner en dérision son mythe comme l'a récemment fait Renfield, le réalisateur le traite avec un premier degré constant, ne cherche pas à faire des clins d'oeil à un public habitué à voir le vampire sur grand écran et essaie simplement de retranscrire l'atmosphère macabre de ce fameux carnet de bord. Et c'est précisément en cela que Le Dernier voyage du Demeter détonne de nombreuses productions actuelles comme L'Exorciste du Vatican, Scream VI ou encore Evil Dead Rise, ne courant ni après l'humour, les références ou la nostalgie à tout prix. Il signe en cela un film d'horreur old school, héritier d'une longue tradition qui parvient malgré tout à exister seul.
Une créature en évolution
L'aspect le plus intéressant du Dernier voyage du Demeter reste la fameuse créature. Un monstre qui se dévoile assez vite et qui évolue, devenant de plus en plus imposant à mesure qu'il reprend des forces. Plutôt que d'avoir fait appel à un acteur célèbre, André Øvredal a confié le rôle à Javier Botet, grand habitué du cinéma de genre dont le physique singulier a déjà provoqué de nombreuses frayeurs. Il a notamment incarné la terrifiante vieille dame de REC, plusieurs fantômes dans Crimson Peak ou encore le fameux Crooked Man de Conjuring 2 : Le Cas Enfield. Son corps extrêmement longiligne sert à merveille les apparitions d'un vampire affaibli qui gagne progressivement en puissante.
Produit par Universal Pictures, qui ne veut décidément pas renoncer à son légendaire bestiaire, le long-métrage ouvre la porte à une suite dans sa conclusion. Une fin annonciatrice d'une potentielle franchise mais qui ne verse pas dans un caméo inutile, restant ainsi cohérente avec le design de Dracula, qui ne prend jamais forme humaine et se ressemble davantage à Nosferatu. Une ultime preuve du soin apporté par André Øvredal à un film d'horreur qui manque d'originalité mais respecte son mythe jusqu'au bout.
Le Dernier voyage du Demeter d'André Øvredal, en salles le 23 août 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.