CRITIQUE / AVIS FILM - Pour son troisième long-métrage, "Le Parfum vert", Nicolas Pariser plonge d'abord son spectateur dans une jolie folie douce, où l'on rit et où un émerveillement est potentiellement à chaque coin de plan. Mais son désir brûlant de sérieux handicape malheureusement ce qui avait tout pour être une brillante comédie.
Le Parfum vert, hommage à des maîtres
Le nouveau film de Nicolas Pariser, Le Parfum Vert tant il s'inspire et veut rendre hommage au monde de la bande dessinée belge, a toute l'apparence d'une adaptation. Mais il n'en est rien, puisque cette comédie d'espionnage est née entièrement dans l'esprit du réalisateur d'inspirations croisées entre les albums de Tintin et les films d'Hitchcock. Une combinaison gagnante, tout du moins pendant une première partie formidable. Celle-ci invoque en effet aussi bien le côté naïf et débonnaire du célèbre Tintin pour les personnages, que L'Homme qui en savait trop d'Alfred Hitchcock pour son intrigue.
L'histoire de Le Parfum vert est d'abord simple : un comédien de la Comédie-Française meurt sur scène, empoisonné. Un des membres de la troupe, Martin (Vincent Lacoste), assiste directement au drame et se retrouve suspecté par la police ainsi que pourchassé par une mystérieuse organisation. À l'aide d'une dessinatrice de bande dessinées, Claire (Sandrine Kiberlain), il va devoir élucider ce crime et mettre à jour un plus vaste complot pour se blanchir. Ce qui va les entraîner dans un voyage européen rempli de péripéties.
D'abord simple, enjoué et léger, Le Parfum vert va progressivement gagner en complexité et gravité. Le "parfum vert" en question ? Un mystérieux outil informatique qui n'est qu'un MacGuffin, un prétexte à organiser une longue course-poursuite où nos deux personnages principaux jouent au chat et à la souris avec leurs poursuivants. Mais puisque Martin comme Claire n'ont rien à perdre, ils deviennent rapidement plutôt les chasseurs que les proies, avec une témérité incompétente très amusante et qui dédramatise l'enjeu. C'est là où, coincé par les performances géniales des deux comédiens principaux, le film ne tient pas sur la longueur la tonalité plus sombre qu'il adopte.
Personnages vs. univers
Ils n'ont plus besoin de le prouver, Vincent Lacoste et Sandrine Kiberlain sont des interprètes de grand talent. L'un comme l'autre, seul ou en duo, leurs silhouettes comme leur voix - pour délivrer des dialogues souvent savoureux - sont idéales pour camper ces deux personnages à côté de leurs pompes. Le spectateur s'y attache d'emblée, mais plus ils avancent et mettent à jour la grave conspiration qui menace le monde, plus ils détonent dans un univers qui devient surtout policier.
Alors que Le Parfum vert s'ouvre sur tout ce qui a les allures d'un fait divers insensé, Nicolas Pariser insuffle progressivement du sens à cette histoire, avec l'irruption d'une matière historique et politique pour dénoncer l'antisémitisme et le fascisme plus que rampants du monde contemporain. Pourquoi pas ? L'idée est intéressante, mais perd beaucoup de force couplée à la dynamique comique que gardent les personnages.
Ainsi, les méchants ne font pas vraiment peur, et même pas vraiment rire, balancés entre le sérieux de leurs mauvaises intentions et l'attitude décalée de leurs adversaires Martin et Claire, qui désamorcent ce sérieux. Un voyage en train pourtant prometteur se transforme ainsi en un fouillis politico-fantastico-romantique et une représentation au grand théâtre de Budapest, sommet théorique du spectacle de Le Parfum vert, arrive bien trop tard et comme un cheveu sur une soupe devenue fade.
Une belle intention mal traduite
Parti sur les chapeaux de roue, Le Parfum de vert s'embarrasse malheureusement donc d'un sérieux qui l'handicape. L'inspiration de Tintin vient plutôt des oeuvres où Hergé a mis un peu de politique (Tintin au pays des soviets par exemple) que de Rackham le rouge, alors que la dramaturgie façon Hitchcock suffisait à donner de l'enjeu. Avec sa très belle direction artistique, Le Parfum vert aurait ainsi pu laisser en sous-texte les différentes gravités qu'il aborde de front, et créer depuis celles-ci une mélancolie, un sentiment d'innocence perdue. Mais en créant une intrigue trop sérieuse animée par des personnages qui ne le sont pas, le film s'emmêle les pinceaux et laisse le spectateur dans des sensations indécises.
Malgré ses évidentes qualités, Le Parfum vert en fait trop pour être digeste et sa troisième partie tue l'entrain généré par la première partie et maintenu tant bien que mal par la deuxième. Une déception franche, mais qui contient tout de même une belle promesse pour la suite des aventures de son réalisateur.
Le Parfum vert de Nicolas Pariser, en salles le 21 décembre 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.