Sergio G. Sánchez opère un passage à la réalisation convaincant avec "Le Secret des Marrowbone". Le scénariste de "L'Orphelinat" évoque à nouveau des thèmes qui lui sont chers dans ce thriller qui flirte habilement avec le fantastique.
Scénariste de L'Orphelinat et The Impossible, Sergio G. Sánchez signe sa première réalisation avec Le Secret des Marrowbone. Le cinéaste espagnol livre un film d'horreur soigné et réussi, qui privilégie son intrigue familiale aux effets faciles.
Le long-métrage présente une fratrie qui vit en autarcie depuis le décès de leur mère. Jack, le frère aîné, a promis à cette dernière de ne jamais se séparer de sa sœur et ses deux frères. Cependant, à mesure que les mois passent, des événements de plus en plus étranges se produisent dans la demeure isolée des Marrowbone. Sam, le benjamin, est convaincu que le fantôme de leur père est revenu les hanter.
Des thématiques chères au réalisateur
Dès l'ouverture du film, le spectateur ressent le poids du deuil, de la culpabilité et de la séparation familiale. C'était déjà le cas dans L'Orphelinat et The Impossible, réalisés par J.A. Bayona, qui officie ici en tant que producteur. Sergio G. Sánchez centre une nouvelle fois son récit autour de liens puissants, qui volent rapidement en éclats. Si les actes du père ne sont pas révélés d'emblée, leur monstruosité et la crainte qu'ils suscitent chez les enfants sont totalement perceptibles.
Le décès de la mère affecte encore plus les Marrowbone, qui s'efforcent de rester soudés. L'amour qu'ils se portent est brillamment mis en avant par le réalisateur, notamment à travers la présence d'un carnet qui raconte leur histoire tragique mais emplie de bonté. La musique de Fernando Velázquez accentue également la puissance des liens, notamment lorsqu'elle accompagne l'une des rares journées paisibles que vit la fratrie.
Malgré leur solidarité, les Marrowbone paraissent impuissants face à la menace qui les guette. Dans sa manière de filmer leur demeure, les murs décrépis et l'humidité qui la ronge, le cinéaste rend le mal vivant mais invisible. Pourtant, contrairement à la maison du film Les Autres, le lieu est très souvent filmé de jour. Lumineuse et entourée d'un cadre idyllique, la demeure est pourtant remplie de souffrances et d'effroi. Elle symbolise ainsi à merveille l'état émotionnel de la famille des Marrowbone.
Malgré sa volonté de mener une vie paisible, la fratrie peine à surmonter ses souffrances et l'horreur qu'elle a traversée. Peu à peu, Sergio G. Sánchez révèle que la tragédie ne pouvait pas être évitée grâce aux virages que prend le récit. Il rappelle ainsi qu'avant d'être un cinéaste, il est avant tout un scénariste capable de développer des histoires aussi touchantes que palpitantes.
Un enchaînement de twists efficaces
En usant d'ellipses dès l'introduction, Sergio G. Sánchez parvient à susciter le mystère rapidement. Le réalisateur prend ensuite le temps de développer ses protagonistes. La direction d'acteurs est d'ailleurs impressionnante. George MacKay, Anya Taylor-Joy, Mia Goth, Charlie Heaton et le jeune Matthew Stagg n'ont en effet aucun mal à retranscrire la peur et la douleur qui les rongent, ainsi que le soutien mutuel dont ils font preuve. À aucun moment leurs réactions ne paraissent excessives face à la menace, ce qui rend le dénouement encore plus surprenant.
Durant la conclusion, extrêmement mélancolique, le spectateur comprend que Sergio G. Sánchez a une nouvelle fois privilégié l'émotion à la terreur. Néanmoins, les rebondissements et les sursauts sont bel et bien présents, notamment dans la deuxième partie où le rythme s'intensifie. L'atmosphère fantastique rappelle alors des œuvres comme La Falaise mystérieuse ou La Maison du diable, dans lesquels les demeures jouaient aussi un rôle à part entière.
Lorsque le premier twist, assez prévisible, est révélé, le spectateur s'attend à un épilogue classique et dénué de surprises. C'était sans compter sur le talent du réalisateur, qui relance habilement le récit et préserve la noirceur qui fait le charme de son film. Le Secret des Marrowbone se conclut sur une note particulièrement amère, empli de toutes les nuances et la sensibilité apportées au reste de l'œuvre.
Pour son premier passage à la réalisation, Sergio G. Sánchez n'atteint pas la puissance émotionnelle de son ami J.A. Bayona. Néanmoins, le cinéaste livre un film prenant et parfois bouleversant, dans lequel la luminosité contrecarre avec brio la profonde noirceur du récit.
Le Secret des Marrowbone de Sergio G. Sánchez, en salle le 7 mars 2018 et présenté au 25e Festival de Gérardmer. Ci-dessus la bande-annonce.