CRITIQUE FILM - Le nouveau film de Gilles Legrand fait le portrait de la figure bobo agaçante par trop de bienveillance. Avec Agnès Jaoui en "maîtresse" d'une comédie parfois loufoque et souvent clairvoyante, "Les Bonnes intentions" est une jolie surprise, pour rire sans honte ni mauvais sentiments.
Les Bonnes intentions raconte l'histoire d'Isabelle, une quinquagénaire bourgeoise et bohème, plutôt aisée et cultivée. Après une carrière dans l’humanitaire, durant laquelle elle a rencontré son mari et père de ses enfants, alors réfugié bosnien, elle travaille aujourd’hui dans un centre social où elle donne des cours d’alphabétisation. Ses élèves forment une classe hétérogène d’individus défavorisés, dont l’illettrisme a mille causes. Mise en concurrence par une jeune professeur allemande, elle va faire de la réussite de ses élèves sa priorité, jusqu’à l’aveuglement.
Le film de Gilles Legrand est avant tout une comédie sociale réussie, avec un traitement très subtil d’un argument a priori difficile, autant parce qu’il est basique (aider son prochain), que parce qu’il est cynique (pourquoi le faire ? pour qui le faire ?).
Une distribution idéale
Qui d’autre qu’Agnès Jaoui pour interpréter ce personnage avec autant de naturel ? Le rôle semble écrit pour elle, assez proche de celui de Place publique. Pour mettre encore plus en relief ce caractère débordant et trop bienveillant, Alban Ivanov incarne un jeune patron d’auto-école, plutôt à la ramasse et très loin des préoccupations d’Isabelle. Comme il le dit si bien « vous êtes une bourgeoise, vous faites du social, moi je suis un pauvre donc je fais du business ». Ce duo a priori antagoniste qu’ils forment permet aux autres acteurs, les élèves d’Isabelle, d’incarner des rôles qui se joueront des clichés et des caricatures communautaires. Le rythme est plutôt soutenu, avec des séquences de comédie pure que les acteurs assurent avec brio.
Les Bonnes intentions montrent ainsi qu’on peut toujours rire de tout. Mais à la condition que ce soit en bonne intelligence. De bien des manières, Les Bonnes intentions est l’anti Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ?. Rien que pour ça, il ne faudrait pas bouder son plaisir.
Les Bonnes intentions, rire pour penser un peu
Ainsi, le grand mérite du film est de prouver qu’on peut faire un film drôle et intelligent sur le sujet très complexe et facilement clivant de la solidarité concrète. On rit de bon cœur du militantisme déplacé à la caisse du H&M, un discours nécessaire mais toujours incongru dans une société paralysée par sa bourgeoisie. On rit encore à l’envahissement de l’appartement familial pour préparer l’examen du code de la route. Mais le cœur se serre un peu pour les enfants d’Isabelle, pas vraiment sa priorité, et on plaint son mari, qui voudrait être autre chose que son ultime « trophée » de bien faiseuse.
Ceux-là essayent de ramener Isabelle à plus d’équilibre, quand la relation avec sa mère fait apparaître un motif plus personnel à l’origine de sa solidarité excessive. La dernière partie des Bonnes intentions instille ainsi de la gravité, avec un élément plus problématique sur la sincérité. A qui fait-on réellement du bien ? Finalement, vont-ils réussir leur examen du code de la route ? Peu importe, et là se trouve aussi la qualité de la démarche des auteurs de ce film, qui concluent cette comédie sur une émotion douce-amère.
Plutôt que de tordre la réalité pour finir sur un happy end, le film fait le choix de la résignation à l’imperfection, ce qui inspire forcément cette finalement belle formule : « c’est l’intention qui compte ».
Les Bonnes intentions de Gilles Legrand, en salle le 21 novembre 2018. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.