CRITIQUE / AVIS FILM - Avec "Les Choses simples", Éric Besnard ne révolutionne ni le cinéma, ni le genre de comédie dans lequel il inscrit ce récit. Mais avec deux interprètes de grand talent, il parvient à raconter une belle histoire d'amitié dans un cadre naturel majestueux. Un film qui fait chaud au coeur, et c'est déjà beaucoup.
Les Choses simples, aller simple pour l'essentiel
Vincent (Lambert Wilson) est un célèbre entrepreneur milliardaire à qui tout semble réussir. Pierre (Grégory Gadebois) est lui un homme taciturne qui s'est retiré dans un coin reculé des Alpes, où il vit seul avec pour unique compagnie un petit chien. On pourrait penser que leur rencontre fortuite sur le bas-côté d'une route, où Vincent est tombé en panne, va être le point de départ d'un buddy movie où leurs oppositions vont créer des situations comiques. Mais leur rencontre n'est pas si fortuite, et le plus seul des deux n'est peut-être pas Pierre. Et peut-être que Vincent n'est pas le plus manipulateur de ce duo que forment deux touchantes solitudes.
Le film d'Éric Besnard se déroule dans le cadre majestueux des Alpes, à flanc de montagne, là où Pierre a élu domicile. Celui-ci se contente de peu et vit à la rude, partageant ses journées entre réparations d'observatoires ornithologiques, travail du bois et visites à sa voisine Camille (Marie Gillain), qui vit non loin avec sa fille Zoé. On ne cachera pas que le très beau cadre naturel du film Les Choses simples est un paysage somptueux, mais qu'il n'est peut-être "que" ça.
En effet, cette comédie de caractère aurait a priori très bien pu prendre place dans un autre environnement, pour le même résultat. Mais heureusement, au-delà donc de son arrière-plan, Les Choses simples connaît sa force et l'utilise pleinement : ses deux acteurs principaux, parfaits dans l'incarnation de personnages au tournant de leurs vies. Des tournants qui ne sont pas si simples.Et peut-être que, finalement, ces montagnes ne sont pas qu'un paysage...
Des apparences bien trompeuses
Alors qu'on aborde Les Choses simples avec l'idée que la rencontre entre Vincent et Pierre est un hasard, il apparaît assez rapidement que la réalité est autre. Fils d'un artisan, Vincent est un entrepreneur accompli mais voudrait maintenant développer des projets humains et durables qui font sens pour lui. Pour ça, il a identifié un homme, un célèbre biologiste marin dont il considère les recherches sur le plancton comme ultra-prometteuses. Un biologiste qui n'est autre que Pierre. Pourquoi celui-ci a-t-il quitté le monde marin pour la montagne ? Et qui est Camille, sa voisine, à qui il rend souvent visite ?
On rit souvent dans Les Choses simples des bons mots de Lambert Wilson et du silence de Grégory Gadebois, qui semble longtemps sur le point d'exploser. Lui n'est pas dupe, il sait bien qui est Vincent et pourquoi celui-ci a simulé une panne de voiture sur la seule route qui conduit à sa maison. Jaloux peut-être de l'aisance de Vincent - ce dernier envisage d'ailleurs une reconversion en acteur -, assurément porteur d'une peine d'abord mystérieuse, Pierre va finalement laisser Vincent l'aider à surmonter ses blocages, et Pierre va en échange écouter Vincent. Lambert Wilson fait rire, Grégory Gadebois émeut, jusqu'à ce que ce rapport s'inverse, quand le sourire lumineux de Pierre se dessine et quand Vincent laisse apparaître ses failles.
Un film qui prend (trop) son temps
Difficile d'en dire plus sans dévoiler jusqu'à quelle profondeur les deux personnages vont aller en se révélant. Comédie d'abord légère, Les Choses simples réussit, avec ses comédiens et une mise en scène à leur service, à transmettre des émotions plus complexes, où se mêlent l'amour, la solitude, le deuil et l'amitié. Ces deux personnages, qui ont en commun d'être des hommes de grands projets, ont bien des choses à résoudre, sur différentes échelles.
Mais pour y parvenir, il va leur falloir revenir à l'essentiel, à la simplicité des relations sincères, à l'écoute et au partage, à une échelle aussi réduite qu'elle est universelle. C'est alors à ce moment que la présence d'animaux fait sens, que l'immensité des montagnes où ils se perdent et affrontent les éléments apparaît comme un choix et non plus comme un simple paysage.
Ce n'est qu'au milieu de son récit que Les Choses simples décolle et accélère pour enfin surprendre. La véritable raison de la présence de Pierre dans ces montagnes, enfin révélée, émeut pleinement, fondée sur une profonde tristesse doublée d'une timidité touchante. Par petites touches, Vincent se révèle très seul, malgré sa célébrité et son entourage professionnel, lui aussi marqué par une tristesse.
Ensemble, Lambert Wilson et Grégory Gadebois jouent avec un grand talent une réconciliation de différences qui fait chaud au coeur. Une fois passé sa première partie handicapée par son rythme faible, Les Choses simples balaye finalement la torpeur qui le menaçait, pour raconter avec enthousiasme et humanité la naissance d'une jolie amitié qui sera la base d'un renouveau pour les deux hommes.
Les Choses simples d'Éric Besnard, en salles le 22 février 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.