CRITIQUE / AVIS FILM - Léa Mysius propose avec "Les Cinq diables" un drame teinté de fantastique avec Adèle Exarchopoulos. Une belle confirmation pour la réalisatrice après son premier long-métrage "Ava" (2017).
Léa Mysius confirme avec Les Cinq diables
Ava de l’Léa Mysius avait été une belle découverte du festival de Cannes 2017. Cette année-là, la réalisatrice concourait à la Semaine de la critique. Pour son premier long-métrage, elle signait une œuvre déjà maîtrisée et sensorielle avec une jeune Noée Abita qu’on découvrait. Pour Les Cinq diables, son second long-métrage, Léa Mysius revenait à Cannes, mais cette fois au sein de la Quinzaine des réalisateurs. Une évolution symbolique qui témoigne du talent de la cinéaste.
Si dans Ava il était question d’une adolescente qui allait perdre la vue, Les Cinq diables évoque un autre sens avec Vicky (Sally Dramé, très juste), une enfant disposant d’un odorat surdéveloppé. Un quasi-super-pouvoir découvert par sa mère, Joanne (Adèle Exarchopoulos), autant fascinée qu'inquiète devant la “différence” de sa fille. Les Cinq diables semble ainsi se diriger dans un premier temps vers une relation touchante entre une mère et sa fille, sous les yeux d’une enfant à la fois témoin et protagoniste d'événements du présent et du passé.
Car grâce à sa capacité, Vicky parvient à se téléporter dans le temps. Elle découvre alors la jeunesse de sa mère. C’est ainsi à ses côtés qu’on assiste à la rencontre entre Joanne et son futur époux, Jimmy (Moustapha Mbengue). Mais également avec la sœur de ce dernier, Julia (Swala Emati). C’est d’ailleurs le retour de celle-ci, des années après avoir commis un mystérieux crime pyromane, qui bouleverse, dans le présent, le quotidien de la famille. De cette manière Léa Mysius touche au genre fantastique mais dans l’unique but de révéler délicatement les secrets et les fêlures d’une famille.
Un amour sous différentes formes
On se souvient qu’Ava dégageait une chaleur palpable - le film se déroulait pendant les vacances d’été, près de la mer. Si ce n’est lors d’une scène finale enflammée, Les Cinq diables est à l’opposé. Dans ce petit village au pied des Alpes, c’est la froideur qui domine. Celle des décors, comme ce lac gelé où va nager Joanne. Mais également des habitants, qui cachent à peine leur racisme (envers Vicky) et leur homophobie (envers Julia) - un aspect politique intelligemment abordé par Léa Mysius. Enfin, il y a la froideur de la relation entre Joanne et sa fille. Bien sûr, Joane est une mère aimante. Mais elle reste peu chaleureuse et semble maintenir une certaine distance avec Vicky. Comme si ses pensées étaient ailleurs, encore bloquées dans une relation du passée qui n’a jamais pu se conclure.
La grande force de Léa Mysius est alors de proposer à la fois un récit simple, sorte d’enquête à hauteur d’enfant, tout en tirant des personnages une profondeur nécessaire. Au fil des révélations, chacun gagne en empathie. Le questionnement existentiel de Vicky sur sa venue au monde devient touchant, tout comme les raisons du mutisme de Jimmy. La relation entre Joane et Julia atteint elle un bouleversement lors d’une belle séquence de karaoké. Un passage où Adèle Exarchopoulos bouleverse par sa mélancolie avant de nous remuer par sa rage. Une énième preuve des qualités de la comédienne, au diapason d’une cinéaste qui poursuit avec douceur son ascension dans le cinéma français.
Les Cinq diables de Léa Mysius, en salles le31 août 2022. Le film est présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.