CRITIQUE / AVIS FILM - Non, « Les Crevettes Pailletées », ce n’est pas "Le Grand bain" bis ! Certes, des hommes font du sport dans une piscine, mais la comparaison s’arrête là ! Le film est une rafraîchissante leçon de joie de vivre et une ode audacieuse à la diversité et à la tolérance !
Il n’y a pas énormément de films qui filent une patate d’enfer juste après leur visionnage et auxquels on repense avec un sourire béat aux lèvres plusieurs semaines après. Ce sont en général des films jubilatoires, originaux, qu’on pourrait qualifier d’ovnis cinématographiques et qui véhiculent une sacrée dose d’amour universel communicatif. Les Crevettes Pailletées, co-écrit et co-réalisé par Cédric Le Gallo et Maxime Govare, fait indéniablement partie de cette catégorie. Bien sûr, pour saisir la qualité aquatique et drolatique du film, il est conseillé au spectateur d’être un minimum ouvert d’esprit et d’avoir au préalable travaillé sur son lâcher-prise.
Le sport est le point de départ et le film traite de nombreux sujets qui lui sont liés, tels que la compétition, le devenir des sportifs de haut niveau ou encore l’homophobie dans le sport. Le club de water-polo des Shiny Shrimps existe d’ailleurs réellement et Cédric Le Gallo en est l’un des membres. L’air de rien, Les Crevettes Pailletées a aussi un côté militant qui va peut-être permettre de faire avancer la cause du respect de la diversité dans le sport, car on sait qu'il y a encore beaucoup de chemin à parcourir au sein même de certaines disciplines sportives.
Le film aborde aussi ce qui fonde l’amitié dans un groupe d’hommes qui, s’ils revendiquent leur homosexualité en commun, n’en sont pas pour autant très différents. Et c’est vrai que la palette de gays que les deux co-scénaristes ont choisi de représenter est plutôt large, parfois aux confins de la caricature. Mais elle sert généralement le propos et permet de faire réfléchir le spectateur à des problématiques qui sont parfois communes avec celles des "hétéro-normés", dont la vie de couple, la jalousie ou la mauvaise foi font partie.
Une plongée rafraîchissante dans le monde du water-polo gay
Les Crevettes Pailletées donne à voir des personnages très attachants et dont le discours est souvent émouvant. Ainsi, Joël/Roland Menou en ancien militant Act Up râleur, Xavier/Geoffrey Couët en grande folle assumée, Cédric/Michaël Abiteboul en papa débordé de jeunes jumeaux, Vincent/Félix Martinez en victime d’homophobie ordinaire un peu naïf, Damien/Romain Lancry en orphelin lunaire, Alex /David Baiot en amoureux transi ou encore Fred/Romain Brau en transgenre punchy. Tous forment avec Jean/Alban Lenoir, capitaine de l’équipe en rémission d’un cancer, un groupe soudé et vivant, à l'indéniable sens de la fête et de la légèreté, capable d'auto-dérision même dans les moments difficiles.
Les Crevettes Pailletées traite évidemment du regard sur la différence et sur la diversité. C’est au travers du personnage de Mathias (Nicolas Gob), vice-champion de natation qui a eu des propos qualifiés d’homophobes, que le spectateur va peut-être s’autoriser à modifier son propre regard. Hétérosexuel divorcé et père d’une adolescente, Mathias est condamné par sa Fédération à entraîner le club associatif des Crevettes Pailletées pour les mener jusqu’aux Gay Games, le plus grand rassemblement sportif homosexuel, en Croatie.
Évidemment, la rencontre fait des étincelles, et c’est Jean qui fait le lien entre les deux, sellant un pacte secret avec Mathias. On a donc d’un côté un homme brut de décoffrage et assez macho, et de l’autre un groupe d’hommes sensibles rassemblés par leur sexualité. D’un côté un champion en fin de parcours qui voit des jeunes plus talentueux en passe de lui ravir sa place, et de l’autre une équipe de branquignols qui a plus envie de s’amuser que de s’entraîner. D’un côté un mec plutôt inhibé qui n’est jamais sorti du rang et de l’autre un groupe d’hommes décomplexés, voire extravagants, qui n’y sont jamais vraiment entrés ou qui n'y sont pas restés longtemps.
Car se confronter à ces hommes qui assument fièrement qui ils sont et prennent joyeusement place dans la vie, sera une belle leçon d’humanité pour Mathias. Evidemment, la recette n’est pas nouvelle et nombreux sont les films qui font se rencontrer des personnages complètement à l’opposé et dont les circonstances les obligent à pourtant faire un pas vers l’autre et à changer leur regard et leur attitude. Mais ça fonctionne plutôt bien avec Les Crevettes Pailletées, car même si le voyage en bus est un peu long, les nombreux rebondissements servent très bien l’intrigue, sans prosélytisme aucune.
Et si ça bouscule pas mal au niveau des dialogues et du jeu d’acteurs, on rit beaucoup, tout en n'étant jamais bien loin des larmes, car tout n’est évidemment pas si rose. La réussite du film tient aussi vraisemblablement à la bonne idée des producteurs d'avoir formé ce duo de réalisateurs. Leur sexualité antinomique est la caution mutuelle et respectueuse d’un non-franchissement de part et d’autre de la ligne rouge du cliché et du jugement et leur permet de rester à la lisière du réalisme. Pour toutes ces raisons, Les Crevettes Pailletées n’est pas seulement un feel good movie, c’est un very feel good movie que l’on conseille d’aller voir… Même si on n’est pas fan de water-polo !
Les Crevettes pailletées de Cédric Le Gallo et Maxime Govare, en salle le 8 mai 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.