CRITIQUE / AVIS FILM – Avec "Les Crimes du futur", David Cronenberg revient à l’horreur organique et filme un avenir désenchanté où la mutilation des corps devient une performance artistique. Le cinéaste se replonge ainsi dans certains de ses thèmes de prédilection, mais reste malheureusement en surface d’un sujet passionnant.
Les Crimes du futur : la torture intérieure
Il ne fait aucun doute : Les Crimes du futur est un pur film de David Cronenberg. À la suite d’une étrange ouverture où un jeune garçon mange une poubelle en plastique avec appétit, le cinéaste poursuit dans la bizarrerie en introduisant le personnage de Viggo Mortensen, en train de se faire manipuler par une machine dont plusieurs membranes pénètrent l’intérieur de son corps.
Le comédien incarne Saul Tenser, un homme qui souffre en raison de tumeurs qui grossissent continuellement. Avec sa partenaire Caprice (Léa Seydoux), il a décidé d'utiliser sa douleur pour des performances artistiques. Avant qu’elle ne lui ôte ces nouveaux organes, elle les tatoue au cours de représentations publiques.
Autour du duo gravitent de nombreux individus ayant des points de vue moralement opposés sur l’utilisation des corps. Des opinions qui permettent au réalisateur de traiter des sujets passionnants, comme l’adaptation de l’être humain à un environnement en décrépitude et dont les ressources ont été épuisées.
Dans le long-métrage, la chirurgie est par ailleurs perçue comme la nouvelle sexualité. Ces thématiques rappellent des œuvres phares de David Cronenberg comme Crash, Le Festin nu ou La Mouche, mais il ne parvient malheureusement pas à les transcender.
La jonction manquée entre les deux filmographies de David Cronenberg
Les Crimes du futur aurait pu faire le lien entre les deux parties de la filmographie du cinéaste, la première s’arrêtant à eXistenZ et la seconde débutant avec A History of Violence. Une révélation au milieu du récit promet quelques moments de tension, ou du moins des confrontations intéressantes.
Hélas, le long-métrage prend ensuite la forme d’une investigation plate se déroulant dans des lieux répétitifs où des conversations interminables et surexplicatives s’enchaînent. En cela, il se rapproche finalement davantage de Spider, projet mal-aimé sorti entre eXistenZ et A History of Violence, qui marquait une rupture dans l’œuvre de David Cronenberg.
La torture et la souffrance auraient ici pu devenir un véritable moteur d’excitation, de jouissance et donc de malaise pour le spectateur, comme dans Crash, mais Les Crimes du futur se contente d’un rapprochement bien sage entre Viggo Mortensen et Léa Seydoux, tous deux excellents mais dont les performances auraient dû aller encore plus loin. L’actrice aurait par exemple pu devenir le point de repère moral du film. Elle interprète le personnage le plus nuancé et ayant le plus d’empathie, mais ses traits de caractères sont eux aussi sous-exploités. Quant à Kristen Stewart, ses courtes apparitions ne lui offrent pas la possibilité d’aller au bout de sa composition décalée.
Tiède, extrêmement bavard, jamais choquant et n’arrivant pas à faire oublier la pauvreté de ses décors, le nouveau long-métrage de David Cronenberg est, à grand regret, une large déception.
Les Crimes du futur de David Cronenberg, en salles le 25 mai 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces. Le film était présenté au Festival de Cannes 2022 en compétition officielle.