CRITIQUE FILM - Après "Tristesse Club", Vincent Mariette revient avec un second long-métrage intitulé "Les Fauves", porté par une Lily-Rose Depp pleine de mystères. Onirique, contemplatif, mais aussi angoissant, "Les Fauves" prend la forme d'un thriller sans se cloisonner au genre pour autant. Fort de sa mise en scène et de son casting, le film aurait néanmoins mérité quelques approfondissements.
Les Fauves, c'est l'histoire d'une rumeur qui se propage dans un camping en Dordogne au sujet d'une terrible panthère qui rôde. Laura, 17 ans, campée avec justesse par Lily-Rose Depp, fait partie des rares à ne pas être effrayée par ces murmures, bien au contraire. Elle va faire la rencontre de Paul, incarné par Laurent Lafitte, un écrivain énigmatique dont elle flaire les livres en secret. Une bulle enrobe peu à peu le duo de personnages tandis qu'en dehors, un prétendant de la jeune fille disparaît.
Une mise en scène au poil
La réussite du film passe avant tout par sa mise en scène. C'est elle qui insuffle au scénario son plus grand mystère, appuyant sur le caractère félin de Laura, renforçant la tension des bruits qui courent. Les yeux des personnages occupent souvent la totalité du champ de la caméra, semblables aux iris gourmands d'animaux qui guetteraient leurs proies, et la caméra survole les paysages crépusculaires, glisse entre les feuilles, se tapit derrière les corps, plaçant le spectateur dans la posture du prédateur. Nous sommes les complices d'une énigme dont on ne saisit pas tous les rouages.
Tant mieux, on se plait à ne pas tout comprendre, à se laisser porter par notre imagination et par la magie. Car c'est ce que propose ce film : de retrouver un peu de magie. Paul, l'obscur écrivain pour lequel Laura se passionne, aspire à réenchanter le monde. Nous sommes tous bien trop terre à terre, et il a sa petite idée pour nous redonner de quoi rêver. Ça marche ! On se laisse bercer par cette histoire aux allures de conte avec l'envie tenace de voir surgir des buissons une panthère démoniaque. Sensorielle et sensuelle, la réalisation pointe toute l'ambivalence de cette situation à la fois plaisante et dangereuse, intrigante et repoussante, dans laquelle nous aimons nous perdre, en même temps que Laura.
A la recherche du grand frisson
Les Fauves dépeint en parallèle les premiers émois de l'adolescence. A la lisière d'une forêt, une meute de jeunes teste ses limites. Mais Laura ne trouve ni son compte dans les pool parties, ni dans l'alcool ou le sexe qui ont tendance à s'y rapporter. Le grand frisson, la jeune femme le trouve ailleurs, près de Paul, qui semble avoir une montagne de choses à lui apprendre. Bientôt, elle passe le plus clair de son temps avec cet homme qui a près du double de son âge. Lily-Rose Depp colle à la perfection à ce personnage lunaire. Les yeux flottants, le visage juvénile, elle confère à Laura une dimension à la fois forte et fébrile. Capable de repousser les avances d'un jeune de son âge sans vergogne, elle se fait toute petite face à cet auteur dont elle veut connaître tous les secrets. Urticante parmi les jeunes de son âge, douce et docile au milieu des adultes, Lily-Rose Depp joue des ambivalences de son personnage avec une certaine évidence. On pense parfois au rôle de Justine dans Grave de Julia Ducournau, tantôt candide, tantôt monstrueux.
Un (trop gros) flou artistique
Le film de Vincent Mariette se perd néanmoins dans ses réflexions. Plusieurs points mériteraient d'être approfondis pour ne pas laisser le spectateur sur sa faim. Les personnages secondaires ont tendance à l'être un peu trop. Dommage, car le casting aurait largement pu apporter à ces rôles davantage de profondeur. On pourrait penser que le réalisateur a tenu à préserver leur part de mystère, mais ils se voient tous si peu exploités qu'ils tombent dans l'oubli. Comme cette policière cynique incarnée par une Camille Cottin au visage balafré dont on brûle de percer les secrets mais dont on ne saura finalement rien. Les mystères qui entourent ce personnage ajoutent de la tension à l'intrigue mais ne trouvent pas de point de chute, rendant ses interventions presque gratuites.
Quant au final, il jure presque avec le sens premier du film, apportant bien trop de pragmatisme à un récit qui s'attelait pourtant à nous le faire oublier.
Les Fauves, de Vincent Mariette, en salle le 23 janvier 2019. Ci-dessus, la bande-annonce.