"Les garçons sauvages" est un véritable coup de cœur de ce début d'année, qui réussit à condenser l'onirisme de Jean Cocteau, la passion pour le voyage de Jules Verne et la crudité de William S. Burroughs.
Premier long-métrage de Bertrand Mandico, Les garçons sauvages est une excellente surprise qui aborde plusieurs registres avec une liberté revigorante. Œuvre remplie d’onirisme qui chamboule par ses propositions esthétiques, le film s’impose comme l’un des plus mémorables de ce début d’année.
L’ouverture de l’œuvre est particulièrement sombre. Elle ne laisse d’ailleurs absolument pas présager la conclusion qui est, à l'inverse, beaucoup plus lumineuse. Au début des Garçons sauvages, le spectateur fait la connaissance d’une bande qui commet des actes atroces. Leur condamnation les mènera dans un voyage dangereux durant lequel les garçons verront se produire d’étranges phénomènes.
Un voyage inquiétant sur une île mystérieuse
La première scène nous immerge immédiatement dans les hallucinations de l’un des membres de la bande. L’ambiance provoque un certain malaise et laisse penser à un conte bien plus inquiétant que charmant. Cette sensation ne fait que se renforcer lorsque l’on comprend comment la bande en est arrivée là.
Quand le spectateur découvre pourquoi ces cinq garçons sont condamnés à voyager, l'hystérie du groupe rappelle celle du gang d’Orange Mécanique. La théâtralité de leur jeu et les masques créent un sentiment d’étouffement, au même titre que les répugnantes effusions filmées par le cinéaste.
Le cauchemar de ces garçons sauvages débute au moment de leur procès. L’ombre des juges se révèle alors très imposante, grâce à la projection que le réalisateur dévoile derrière les jeunes coupables. La voix-off, qui rappelle l’écriture de William S. Burroughs par son style cru, s’associe parfaitement aux images. Grâce à leur complémentarité, le spectateur découvre rapidement la personnalité de chacun des protagonistes. Leurs traits de caractère parfois opposés auront d’ailleurs une énorme influence sur le cours du récit.
Vient ensuite le voyage avec le Capitaine, personnage profondément antipathique qui cache de lourds secrets. Lorsque cette partie débute, le spectateur ne porte pas d’attachement particulier aux personnages. Néanmoins, il ressent parfaitement le calvaire que représente cette traversée, notamment grâce à l’obscurité permanente, au cadre réduit et à l’étrange traitement prodigué par le Capitaine. Les hallucinations débutent et certaines visions amplifient le malaise, à l’image de celle redondante d’un chien qui prend le visage des hommes. Les garçons paient pour leurs actes lors de ce long cauchemar éveillé. Durant ce chapitre du film, ils n’ont pas encore pris conscience de la métamorphose qu’ils sont en train de vivre.
Des actrices qui retranscrivent à merveille leur métamorphose
Les visions hypersexuées ne cessent par la suite de s’amplifier sur une île immense mais tout aussi étouffante que le bateau du Capitaine. Le travail sur les décors, la végétation et les fruits velus qui s’apparentent à des testicules, impressionne. Le but du périple est alors révélé par un protagoniste encore plus mystérieux que le Capitaine. Ce personnage, brillamment interprété par Elina Löwensohn, symbolise toute la libération que les garçons sauvages traversent, et l’envie de conquête qui pourra en découler.
Dans cette partie sur l'île encore plus troublante mais dans laquelle le spectateur se laisse absorber avec plaisir, Bertrand Mandico finit de tourner en ridicule la virilité dont la bande tentait de faire preuve. Ils pourront enfin s’en délester lors d’une scène d’ivresse au bord de la plage. Cette séquence apaise la confusion générale et laisse entrevoir l’issue positive du voyage.
L’attachement aux personnages se crée à mesure que ceux-ci se transforment en femmes. Leur rassemblement final, véritable cri du cœur, synthétise à merveille leur transformation. Le spectateur se rend compte que son regard sur elles a changé rapidement, en partie grâce à la bonté dont elles font preuve dans les dernières minutes.
Les comédiennes, menées par Vimala Pons, réussissent à passer d’un registre à l’autre avec une aisance déconcertante. En choisissant ces actrices pour interpréter la bande de loubards, le réalisateur efface toute frontière entre les genres. Cela renforce son propos final, libérateur pour ses héroïnes mais également pour le spectateur.
Les garçons sauvages est un film dont les images hantent longtemps. Les passages à la couleur renforcent l’envoûtement provoqué par ce trip dans l’air du temps, qui se digère sur la durée.
Les garçons sauvages de Bertrand Mandico, en salle le 7 mars 2018. Ci-dessus la bande-annonce.