CRITIQUE / AVIS FILM - "Les Météorites" est un très joli premier long-métrage de Romain Laguna. Caméra collée à une jeune actrice solaire, il propose une errance adolescente à l’accent métaphysique. Une fable d’été qui s’illustre par une générosité pas toujours maîtrisée.
Tourné en 2017, dans le sud de la France, durant l'été, le film évoque l’émoi adolescent… Vous avez dit Mektoub, my love ? C’est presque ça, tant il est difficile de ne pas penser à la sensualité des films de Kechiche à la découverte des premières images de Les Météorites. On découvre Nina, jeune adolescente de l’Hérault, fille de sa chaleur, et employée d’un parc d’attractions un peu triste. Alanguie, ennuyée, sans projet, sa vie est bouleversée à la vue de la chute d’une météorite.
La grandeur des rêves de l'adolescence
Les Météorites n’est pas un film simple. Il y a le format, une image en 4/3 qui ne quitte jamais Nina, sauf pour rentrer dans sa tête. Il y a l’inscription dans plusieurs cinémas : celui de l’aventure, presque fantastique, et puis un cinéma réaliste. C’est ce que l’on ressent d’emblée, et ensuite parfois trop : une proposition cinématographique très sérieuse, mais que son envie finit par éparpiller.
Nina est la seule à avoir vu la météorite. Cette météorite est-elle bien réelle ? Le film raconte une volonté de foi, le pari de croire que fait Nina. Croire qu’une météorite est bien tombée, et croire que son histoire d’amour avec Morad (Billal Agab), grand frère de sa meilleure amie Djamila (Oumaima Lyamouri), hâbleur mais insaisissable, est bien réelle, et qu’elle a du sens. Tous les jeunes acteurs jouent avec un naturel saisissant, et tout particulièrement Zéa Duprez, Nina, qui tient son premier rôle à la perfection.
Romain Laguna réussit très bien ses mises en scène de cette aventure essentiellement fantasmée qu’est l’adolescence, un âge où l’insouciance cohabite avec les plus folles angoisses existentielles. Nina vit cette expérience seule. Autour d’elle ses amis ont des projets, des envies, son meilleur ami s’engage dans l’armée, mais Nina est ailleurs.
C’est cet ailleurs qu’explore gracieusement Romain Laguna, des roches du mont Caroux aux quartiers populaires de Béziers, dans les yeux dévorants de Nina. On peut penser aussi à un autre grand film, Burning, dans lequel est évoqué la Grande Faim, cet état à la fois avide et accablé, contemplatif et mélancolique. Le regard sur l'adolescence est simple, sans complaisance ou condescendance, sans jugement. Nina fait ce qu'elle veut, elle ressent, elle se demande, et la caméra la suit, la cherche, et le cadre l'épouse sans la contraindre.
Le film a donc cette très grande qualité, il a trouvé le territoire-type du cinéma, celui du mouvement non-contraint dans le fantasme. Cependant, il explore ce territoire par des gestes parfois imprécis, dans un déséquilibre. La dernière partie du film, plus abstraite, casse un récit jusque-là bien mené. Ce n’est pas un défaut ou une absence, puisque le film fait le pari qu’il y a tout plutôt que rien, mais c’est un excès de générosité, l’envie irrépressible de faire beaucoup, de montrer l’étendue, très réelle, de ses qualités.
Génie et inconvénients de la jeunesse
Ainsi, pour son premier long-métrage, après trois courts (J’mange froid, Bye bye mélancolie et A trois sur Marianne), le réalisateur semble avoir lâché le tempo, si essentiel à ce genre de cinéma, où la contemplation peut en quelques secondes tourner à l'ennui. La quête de la météorite, et la quête de la vie, ne sont pas fermement menées jusqu'au terme, comme si la langueur du film n'avait pas trouvé sa bonne longueur.
Comme dans un Kechiche, les acteurs ne sont pas des professionnels. Comme dans Burning, l’œuvre est un outil exploratoire d’un état mental et artistique très précieux. Il y a ainsi un amour presque infini du cinéma dans Les Météorites, et un amour de l’humanité dans ce qu’elle peut avoir de creux, d’effacé, d’à peine visible. Au réalisme des relations amicales et amoureuses, à la chair de l’adolescence, le film marie une aventure intime légèrement métaphysique. Sérieux, appliqué, avec une jeune actrice formidable, Les Météorites a le charme fou et imparfait des premiers films réussis.
Les Météorites de Romain Laguna, en salle le 8 mai 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.