Les Rascals : une bande problématique face aux skinheads

Les Rascals : une bande problématique face aux skinheads

CRITIQUE AVIS FILM - "Les Rascals" de Jimmy Laporal-Trésor plonge dans la France des années 1980 sous fond de racisme et de violence entre jeunes voyous et skinheads.

La France peu glorieuse des années 1980

Après avoir été remarqué avec son court-métrage Soldat noir (2021), nommé aux César en 2022, Jimmy Laporal-Trésor poursuit son exploration de la France des années 1980 avec Les Rascals, son premier long. La France de 1984 plus précisément. Pour la jeunesse, c'est les débuts du punk et du hip-hop, et ça se sape façon rockeurs américains des 50's. Côté politique, Jean-Marie Le Pen et le Front National recueillent 11% des suffrages aux élections européennes. La violence est présente, que ce soit entre les bandes ou avec la montée du racisme et l'arrivée des skinheads. On en profite pour recommander, sur ces derniers, le très bon This is England (2006).

Les Rascals
Les Rascals ©The Jokers

C'est dans ce contexte qu'on découvre les Rascals, une petite bande de jeunes qui roulent des mécaniques, et dont la majorité est issue de l'immigration. Ils se la jouent comme les T-Birds de Grease (1978). Et sont prêts à en découdre face aux autres bandes tel le James Dean de La Fureur de vivre (1956). Cependant, si Jimmy Laporal-Trésor sait y faire avec sa caméra et pour convoquer ces références (et d'autres), rapidement un problème se pose avec ses personnages.

Les Rascals, des voyous pas si gentils

Rudy (Jonathan Feltre), Rico (Missoum Slimani), Mandale (Marvin Dubart), Boboche (Taddeo Kufus) et Sovann (Jonathan Eap), les membres des Rascals, auraient peut-être été de charmants voyous il fut un temps. Mais en 2023 (et même si le récit se déroule en 1984), difficile d'adhérer entièrement à cette bande. Une bande qui agresse oralement les passants, qui harcèle les filles dans la rue et qui se vante à longueur de journée de pouvoir "baiser tout ce qui bouge". Une attitude qui n'a rien de sympathique et agace profondément. Sauf que si pour le spectateur il devient dès lors difficile de les apprécier entièrement, on sent toute la bienveillance du réalisateur envers eux.

Les Rascals
Les Rascals ©The Jokers

Et c'est là tout le problème avec Les Rascals. Il est bien sûr possible de montrer au cinéma des personnages amoraux, voire détestables. L'un des meilleurs exemples serait Scarface (1983). Sauf que Brian De Palma n'y glorifie pas son Tony Montana et insiste à plusieurs reprises sur sa folie, avant de conclure par sa chute inévitable (et donc acceptable). Ceux qui y ont vu un héros et en ont fait une icône n'avaient alors rien compris au film (des propres dires de De Palma). On y repense forcément quand on voit la masculinité problématique des héros de Jimmy Laporal-Trésor.

Racisme et escalade de violence

Bien dommage, car passé ces "détails" qui ont leur importance, la volonté du réalisateur de témoigner du racisme en France est légitime. Mais plus intéressant encore, son regard porté sur le cycle de la vengeance. Lorsque Rico reconnaît l'homme qui l'a tabassé durant sa jeunesse, il décide soudain de se venger et s'acharne sur le vendeur. La sœur de la victime, Frédérique (surprenante Angelina Woreth), témoin de la scène, va alors éprouver envers eux une haine inéluctable.

Les Rascals
Angelina Woreth - Les Rascals ©The Jokers

Jimmy Laporal-Trésor arrive à faire comprendre la détresse de la jeune fille. Et rend d'autant plus inquiétant son basculement extrémiste au contact d'une bande de fachos, menée par Adam (Victor Meutelet). Ce dernier, en apparence charmant et cultivé, est d'autant plus dangereux. Paradoxalement, le réalisateur a plus de réussite pour dresser le portrait de Frédérique, d'Adam et de ce clan. Les Rascals, eux, n'ayant finalement que Rudy, le plus sensible de la bande, pour véritablement émouvoir. Celui-là même dont la quête de vengeance fera écho avec celle de Frédérique.

Tout en étant du côté des victimes des fachos, Jimmy Laporal-Trésor ne montre alors aucun vainqueur dans cette opposition. Les tragédies allant de pair avec les montées de haine dans les deux camps. Les Rascals aurait pu (dû) se conclure en tendant vers l'apaisement, mais ce n'est malheureusement pas le cas. La faute à un dernier plan, toujours en démonstration. Un ultime acte de violence, coup de boule à la caméra, qui parachève une œuvre à la morale troublante.

Les Rascals de Jimmy Laporal-Trésor, en salles le 11 janvier 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

"Les Rascals" a des qualités, dans la mise en scène de Jimmy Laporal-Trésor et sa volonté de dénoncer le racisme en France. Mais difficile d'avoir une véritable sympathie pour une bande aussi problématique, et de passer outre les limites morales du film.

Note spectateur : Sois le premier