CRITIQUE / AVIS FILM – "Les Rois de la piste", le dernier long-métrage touchant de Thierry Klifa, casse avec bonheur les codes du genre. Avec Fanny Ardant, Mathieu Kassovitz, Nicolas Duvauchelle et Laetitia Dosch.
La combine comme tradition familiale
Dans son dernier long-métrage Les Rois de la piste, le réalisateur Thierry Klifa enfile le costume d’un Monsieur Loyal qui raconte le cirque de la famille dysfonctionnelle de Rachel (Fanny Ardant). Il orchestre avec plaisir les arnaques foireuses auxquelles se livre cette dernière avec ses fils Sam (Mathieu Kassovitz) et Jérémie (Nicolas Duvauchelle), et son petit-fils Nathan (Ben Attal).
Thierry Klifa, rencontré au Festival du Film Francophone d’Angoulême, dit avoir voulu faire « un film joyeux, une bulle de champagne qui rende heureux ». Et avec son coscénariste à l’humour grinçant Benoît Graffin (Encore Heureux), il réussit son pari de plusieurs façons. D’abord, il parvient à rendre très attachante cette bande de bras cassés qui rêve toujours du meilleur coup d’après.
Le réalisateur, « ému par les perdants magnifiques qui gagnent tout », offre ainsi un rôle à la mesure du talent protéiforme de Fanny Ardant. Il force certes les traits de caractère de la mère juive aussi intrusive qu’aimante. Mais il dresse le portrait d'une « femme puissante avec ses ambivalences, à la fois rassurante, touchante et inquiétante ». Le sourire somptueux et souvent faux, les excès de Rachel, reine des bobards, sont une grande source de comédie.
Famille, je vous hais !
L’intérêt du film réside aussi dans la mise en scène de relations bien plus complexes qu’il n’y parait entre les personnages. Car Les Rois de la Piste interroge avec subtilité sur les liens du sang, tantôt décevants, tantôt surprenants. Sur ce qui fait famille, sur la façon dont les uns et les autres se jugent, se font confiance ou se mentent. Et sur le courage qu’il faut aussi pour dire la vérité et s’assumer. Les réactions des fils de Rachel pour esquiver l’emprise maternante sont souvent impayables. Leurs interprètes sortent d’ailleurs de leurs rôles habituels sombres. Ils réussissent à se parer avec beaucoup d’ingéniosité d'une sensibilité à fleur de peau. On sent à l’écran combien Mathieu Kassovitz s’est amusé à composer son Sam, benêt de service peureux et ridicule.
Même si on ne peut rien dévoiler de la trajectoire de Jérémie, le réalisateur précise que Nicolas Duvauchelle y a vu « un vrai défi après un temps de réflexion avant de dire oui ». On est un peu moins fan du personnage de Nathan, même si son sérieux contrebalance logiquement avec la fantaisie de sa famille. Enfin, à la recherche de la toile de Lempicka volée par hasard par les pieds nickelés, la détective Céleste (Laetitia Dosch) et son fidèle acolyte Gauthier (Michel Vuillermoz) entrent en jeu. Et leur rencontre avec la smala est explosive. En particulier celle des deux lionnes Rachel et Céleste, offrant moult rebondissements et faux semblants.
Savoir démêler le vrai du faux
Car le pipotage de chaque personnage de Les Rois de la piste fait habilement tenir le suspense jusqu’au bout. Répondant ainsi parfaitement à l’enjeu du réalisateur : « jouer avec la vérité et perdre tout le monde, y compris le spectateur ». Enfin, on se régale à repérer les multiples références cinématographiques instillées çà et là. Un peu de James Bond et de L’affaire Thomas Crown, saupoudré de commedia dell'arte et de Family business. Le tout assaisonné de Tout feu tout flamme ou encore Le Magnifique. On se laisse donc facilement embarquer dans le réjouissant spectacle des arnaqueurs de Les Rois de la piste !
Les Rois de la piste de Thierry Klifa, en salles le 13 mars 2024. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.