CRITIQUE / AVIS FILM - Caméra d'or du meilleur premier long-métrage en 2006 avec « 12 h 08 à l'est de Bucarest », le réalisateur roumain Corneliu Porumboiu passait cette fois à la compétition officielle du Festival de Cannes avec « Les Siffleurs », film policier sans prétention ni mordant.
Cristi, un inspecteur de police à Bucarest, se rend sur l'île de La Gomera aux Canaries. Là-bas, on lui explique qu’il devra apprendre un langage sifflé permettant de communiquer sans se faire repérer par les autorités. Retour en arrière, Cristi retrouve Gilda chez lui. Elle insiste pour qu’il obéisse à ses employeurs et les aide à sortir Zsolt, un des leurs, de prison. Sauf que Cristi est en même temps sous surveillance, soupçonné de corruption par une supérieure aux méthodes douteuses. L’histoire de Les Siffleurs, film roumain présenté au 72e festival de Cannes en compétition officielle, qui paraissait simple au premier abord, se complexifie alors – du moins par le montage non-chronologique adopté.
Corneliu Porumboiu se lance dans le genre du film de mafia avec un certain sérieux, peut-être trop même. Certes, les ruptures de ton sont bien senties, comme ce passage d’une drôlerie où un réalisateur en plein repérage pour un tournage tombe sur une réunion de malfaiteurs. Tout comme les références volontairement appuyées à Psychose et La Prisonnière du Désert (dont on retrouve finalement une trame similaire). Mais le cinéaste semble bien vite cocher les cases habituelles du genre quitte à tomber dans les plus gros clichés, dont celui de la femme fatale – avec la très sensuelle Catrinel Marlon. Le problème est que, si cela fonctionne durant les deux tiers du film, la dernière partie voit Corneliu Porumboiu se hâter, privilégier les clins d’œil amusant et les scènes choc à la cohérence de ses personnages.
Pour autant, Les Siffleurs n’est pas déplaisant, étant après tout sans prétention et capable de capter son audience, désireuse au moins de découvrir le dénouement final. Simplement, il est dommage que Corneliu Porumboiu ne soit pas plus ambitieux, et donc surprenant. Un instant on aurait pensé que Les Siffleurs porterait un discours autour de la surveillance et ses conséquences. Cristi devant constamment penser aux caméras dans son appartement, aux micros dans le bureau de sa supérieure et aux malfaiteurs avec qui il doit collaborer, attentifs à ses moindres gestes. Mais non, jamais le film n’ose plonger dans le thriller voyeuriste et/ou paranoïaque. Corneliu Porumboiu se contente du minimum, sans fausse note, maîtrise parfaitement les touches de légèreté, mais manque cruellement de profondeur. Même l’idée du langage sifflé n’est finalement pas si exploitée, alors qu’on sent bien, avec, la possibilité de basculer dans le pur film de braquage, où l’apprentissage du langage remplace les plans à retenir. Un petit plus qui n’aurait pas été négligeable au sein d’un film qui manque bien trop de mordant.
Les Siffleurs de Corneliu Porumboiu, présenté à Cannes 2019, prochainement dans les salles. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.