CRITIQUE/AVIS FILM - Quelques mois après "Les Trois Mousquetaires - D'Artagnan", Milady de Winter s'avance sur le devant de la scène pour "Les Trois Mousquetaires - Milady". Un deuxième film d'aventure au niveau du premier, qui se distingue par la performance d'Eva Green, un spectacle plus lumineux et plus lisible, et les lignes qu'il déploie pour le futur.
Varier sans dévier
Après le premier volet du diptyque Les Trois Mousquetaires, centré sur D'Artagnan, l'équipe composée du réalisateur Martin Bourboulon et des scénaristes Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte remet le couvert pour Les Trois Mousquetaires : Milady. Avec, cette fois-ci, l'attention portée sur l'antagoniste Milady de Winter (Eva Green). Le programme est connu et le cadre attendu puisqu'il s'agit d'une suite directe du premier film. Mais bien décidés à ravir encore leur public, les auteurs ont développé ce qui avait fonctionné dans Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan, corrigé quelques points et opéré un changement sur le plan narratif.
On retrouve dans Les Trois Mousquetaires : Milady un point fort de Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan : la générosité. Impossible de bouder son plaisir à voir à l'écran autant de talent, dans la fabrication des décors et des costumes, comme chez ceux qui les occupent et les portent. Les quatre acteurs qui incarnent les Mousquetaires le font très bien. Le charme d'Aramis (Romain Duris), l'humour de Porthos (Pio Marmaï), les tourments d'Athos (Vincent Cassel) et la jeunesse triomphante de D'Artagnan (François Civil), tous forment comme un seul et même personnage, irrésistible, partagé en quatre portraits très réussis. Ainsi, aucun d'eux n'est laissé de côté dans cette nouvelle aventure où ils vont tous croiser le fer et les bons mots, et avoir chacun leur intrigue - Porthos et Aramis se partagent la même.
À quatre, ils ne sont pas de trop pour tenter d'enrayer les machinations de Milady, antagoniste et personnage principal de ce second volet. Celle-ci mène une vengeance personnelle, contre celui qui l'a un jour pendue et aussi contre tous les hommes, tout en participant activement au complot qui doit renverser le roi (toujours parfait Louis Garrel).
Eva Green royale
L'actrice Eva Green est à part dans le cinéma français puisque la quasi totalité de sa filmographie s'est faite sous la direction de cinéastes étrangers. Sa présence dans les films Les Trois Mousquetaires en est d'autant plus remarquable, comme si elle y apportait une lumière hollywoodienne. Une manière d'affirmer que c'est bien elle le most valuable player de Milady, et que sur ce point Les Trois Mousquetaires : Milady remplit son contrat. Eva Green séduit, manipule, elle se bat et monte à cheval, et sa Milady est aussi séduisante que perturbante, puisque même si elle a ses raisons, elle brille par sa malveillance.
Alors que D'Artagnan est l'archétype du héros, Milady est l'archétype du "méchant". Alors, consacrer un film entier à l'antagoniste de l'histoire demande à son interprète une performance la plus investie possible, et Eva Green relève parfaitement le défi.
Milady mène l'histoire et domine - presque - toutes les séquences où elle apparaît. Alors, pour que les Mousquetaires puissent quand même se faire remarquer, ils ont pour eux une formidable séquence d'infiltration et de combat dans le port de La Rochelle, afin de mettre à jour les traîtres à la couronne et repousser un assaut anglais. Plus haut fait d'armes du film, on y voit au mieux les corrections apportées par Martin Bourboulon par rapport au premier film : l'action est plus lisible, et les couleurs plus lumineuses.
En quête de transition(s)
Sans divulguer sa conclusion, on peut avancer qu'à son tomber de rideau Les Trois Mousquetaires : Milady n'est pas le dernier film Les Trois Mousquetaires. Ce n'est pas une surprise totale, puisque le producteur Dimitri Rassam avait expliqué concevoir une franchise façon MCU. Ici, pas de super-héros mais un ADCU (Alexandre Dumas Cinematic Universe) avec ses aventures de cape et d'épée, ses valeurs humanistes et ses personnages hauts en couleur, entre réalité historique et pure fiction. Une idée brillante, qui devrait être développée encore avec d'autres personnages. Reste en effet, au moins, Porthos Aramis et Athos, qui pourraient donc chacun avoir "leur" film. C'est ainsi que Les Trois Mousquetaires : Milady apparaît, bien que satisfaisant et complet en lui-même, comme une transition vers la suite d'une histoire qui est loin d'être terminée.
Paradoxalement, si Milady apparaît comme une transition, le film en manque. En effet, sur le plan narratif, on passe d'une situation à l'autre et d'un personnage à l'autre sans liant, par des ellipses brutales, dans le temps comme dans l'espace. On le ressent particulièrement en ce qui concerne Porthos et Aramis, qui sont occupés à tout autre chose que l'intrigue principale. Autre exemple, la résolution de la relation entre D'Artagnan et Constance Bonacieux (Lyna Khoudri), dont la gravité n'est pas entièrement réussie, parce que comme trop isolée du reste. D'une certaine manière, chaque personnage est comme dans son propre film, et ce second volet paraît alors avoir moins d'identité que le premier, avec une conduite plus générique.
Aller vite et bien
Néanmoins, on s'amuse et on ne s'ennuie jamais devant Les Trois Mousquetaires : Milady. Et si ce volet n'a pas la fraîcheur et le caractère inédit de D'Artagnan, c'est parce qu'il n'a plus à exposer l'univers mais doit maintenant commencer son exploitation. Une exploitation qu'on devine très ambitieuse, avec cette sensation viscérale qu'on ne peut pas en rester là. Parce que ce casting est idéal, parce que la production est d'un grand soin, parce que tout ce qui est globalement proposé fonctionne. D'Artagnan a déplié la carte, et ainsi Milady a entamé son exploration.
À la manière de sa mise en scène, tout en rapidité d'exécution, les auteurs de ce diptyque font vite et, pour l'instant, bien. Mais si vite qu'on aurait à la réflexion apprécié prendre un peu plus le temps. Le temps de la rancoeur assassine de Milady, le temps de la peine de D'Artagnan, le temps des regrets d'Athos... Comme s'il avait fallu, alors que le feu d'artifice du premier film s'éteignait à peine, envoyer vite celui-ci pour déjà penser à l'acte III. Mais chargé à la fois de clore un diptyque et d'ouvrir explicitement une franchise, Les Trois Mousquetaires : Milady hérite donc d'une mission à double objectif complexe, dans le planning serré de l'ADCU qui comporte aussi la sortie en 2024 de Le Comte de Monte-Cristo. Au regard de la dureté de la tâche, Les Trois Mousquetaires : Milady s'en sort avec les honneurs.
Les Trois Mousquetaires : Milady de Martin Bourboulon, en salles le 13 décembre 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.