Licorice Pizza : la romance ultime signée Paul Thomas Anderson

Licorice Pizza : la romance ultime signée Paul Thomas Anderson

CRITIQUE / AVIS FILM - Paul Thomas Anderson est de retour avec "Licorice Pizza". Après l'amour empoisonné de "Phantom Thread", le cinéaste dévoile une histoire plus légère, mais tout aussi passionnante.

Licorice Pizza : Paul Thomas Anderson, ivre d’amour

Le cinéma de Paul Thomas Anderson est toujours parsemé de moments de grâce, d’effusions de sentiments silencieuses et réconfortantes. Il y a tout d’abord le regard bienveillant que le flambeur expérimenté Philip Baker Hall pose sur les fougueux Gwyneth Paltrow et John C. Reilly dans Hard Eight. Il y a également les retrouvailles et l’harmonie finales de Boogie Nights, mais aussi les larmes que Tom Cruise parvient enfin à verser auprès de son père mourant Jason Robards dans Magnolia. Plus récemment, il y a eu cette balade apaisée sur la plage entre Katherine Waterston et Joaquin Phoenix après l’enquête enfumée d’Inherent Vice, ou la rencontre au restaurant entre l’exigeant couturier Daniel Day-Lewis et sa muse Vicky Krieps dans Phantom Thread.

Des passages mémorables, voire inoubliables, qui viennent souvent éponger la douleur et le trouble des films dans lesquels ils s’inscrivent. La douleur et le trouble sont toujours présents dans Licorice Pizza, mais ils ne réussissent à aucun moment à freiner l’énergie et l’amour du nouveau long-métrage du cinéaste.

Licorice Pizza
Licorice Pizza © Universal Pictures

Licorice Pizza débute dans un collège, le jour des photos de classe. Gary (Cooper Hoffman), charmant adolescent de 15 ans doté d’un incroyable bagout, remarque Alana (Alana Haim), jeune femme de 25 ans qui propose peigne et miroir aux élèves avant qu’ils ne passent devant l’objectif. Sans hésiter, il l’aborde et l’invite à dîner le soir-même. Elle accepte. De ce premier échange naîtront une romance, une amitié, un partenariat, de la jalousie, des fuites et des courses effrénées l’un vers l’autre…

Ensemble et rien d’autre

Au cours du plan-séquence introductif, Paul Thomas Anderson habitue d’emblée le spectateur à voir Alana et Gary ensemble, retranscrivant grâce au talent de ses deux fabuleux comédiens la joie de la découverte, l’excitation du flirt mais aussi l’hésitation. La différence d’âge effraie la jeune femme, ce qui ne l’empêche pas de commettre plusieurs gestes éminemment romantiques. Existe-t-il une plus grande preuve d’amour que celle de courir à travers une ville pour tenter de rattraper une voiture de police ayant embarqué l’être aimé faussement accusé de meurtre ? Mais surtout, existe-t-il une plus grande preuve d’amour que celle d’accepter de se lancer dans le commerce de waterbed ?

En plus de multiplier les situations hilarantes où il malmène ses personnages comme il le faisait avec Doc Sportello dans Inherent Vice, Paul Thomas Anderson multiplie surtout les signes qu’Alana et Gary sont faits l’un pour l’autre, malgré leurs nombreuses tentatives pour se convaincre du contraire. À tel point que dès qu’ils tentent de prendre leurs distances, quelque chose sonne volontairement faux.

Licorice Pizza
Licorice Pizza © Universal Pictures

Cela se ressent surtout lorsque des éléments extérieurs viennent parasiter leur histoire, à commencer par les apparitions de Sean Penn et Bradley Cooper. Le premier incarne une version mégalomane de William Holden coincée dans Breezy, récitant ses répliques guerrières de Je reviens de l’enfer et Le Pont de la rivière Kwaï pour flatter son ego. Le second se déchaîne dans la peau du producteur Jon Peters, coiffeur et amant de Barbra Streisand prêt à exploser n’importe quand. Cependant, dommage que le superbe plan de la bande-annonce sur lequel il exulte un genou à terre dans une station essence n’apparaisse que lors du générique final.

Un cadre mythologique

Tout semble facile pour Paul Thomas Anderson et ses acteurs dans Licorice Pizza. Le récit est fluide, les lourdeurs de ses précédents films n’existent plus et l’amusement des deux comédiens principaux ne semble pas feint. Cooper Hoffman possède le même regard rieur et désinvolte que son père Philip Seymour Hoffman. Néanmoins, l’ombre du regretté paternel n’écrase jamais la performance de son fils. Quant à Alana Haim, elle tourne accompagnée de ses sœurs Este et Danielle avec lesquelles elle forme un groupe, ainsi que de leurs parents. Des conditions qui offrent des séquences familiales spontanées, naturelles et donc encore plus marquantes et attachantes.

Comme le signifient leurs courses l’un vers l’autre et la répétition de ces dernières, la romance entre Alana et Gary a un caractère mythologique – dans un cadre qui l’est tout autant au cinéma – puisqu’elle est inéluctable. Situé en 1973, quatre ans après les intrigues de Once Upon a Time… in Hollywood et Model Shop, Licorice Pizza prend comme ces deux longs-métrages la forme d’une virée californienne où la désillusion n’est pas encore totale et où l’innocence est encore permise.

Au cœur de la vallée de San Fernando, Paul Thomas Anderson accentue le positif, comme le chantent Bing Crosby et les Andrews Sisters dans le film. Il s’autorise une parenthèse enchantée mais non dénuée d’obstacles, comme tout récit mythologique qui se respecte, à l’image de cette descente dans des rues pentues et sinueuses à bord d’un camion en panne d’essence à cause de la crise pétrolière. Des épreuves qui ne font que renforcer l'espoir d’assister à l’étreinte entre deux corps au crépuscule. Lorsque le moment tant attendu arrive enfin, il n’en devient que plus beau.

Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson, en salle le 5 janvier 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Avec "Licorice Pizza", Paul Thomas Anderson retrouve la Californie et les années 70 d’"Inherent Vice". S’il retrouve une esthétique rétro chatoyante, le réalisateur donne à cette balade romantique ultime un rythme moins nébuleux et un ton plus léger qui emportent totalement le spectateur. Il révèle surtout deux comédiens fantastiques : Cooper Hoffman et Alana Haim.

Note spectateur : Sois le premier