CRITIQUE FILM - "L'Oiseau au plumage de cristal" nous fait découvrir les codes d'un cinéma de genre injustement méconnu : le "giallo", genre italien ayant connu des années glorieuses entre 1960 et 1980. Les ingrédients ? Thriller, policier et sensualité !
Définir L'Oiseau au plumage de cristal comme un simple film de genre serait réducteur. Il n'est pas qu'un énième thriller policier. Le long-métrage sorti en 1970 et inspiré du livre La Belle et la bête de Fredric Brown, emprunte autant au genre policier qu'au film d'horreur et saupoudre le tout d'élans chevaleresques. En tant que film policier, le récit s'attarde surtout sur une enquête et sa résolution : quel est le tueur en série qui assassine des belles jeunes femmes ? Pour le découvrir, le héros est tout trouvé : il s'agit de Sam Dalmas (Tony Muzante), un écrivain qui a été témoin d'un de ses crimes. Ou plutôt d'une tentative inachevée. Car en portant un jour son regard à travers la vitrine d'une galerie d'art, Sam a assisté à l'altercation d'un homme et d'une femme et a mis fin à la tuerie qui s'annonçait.
Mais l'homme disparaît, la femme blessée ne fait pas avancer l'enquête, et les corps morts se multiplient de jour en jour. Alors Sam devient un témoin indispensable pour boucler l'enquête. Le seul en vérité. D'abord pris en tenaille entre sa vie d'artiste, appelé à rentrer dans son pays, et l'issue incertaine de celle d'un témoin mis sous protection judiciaire, il décide vite de se lancer à l'assaut du criminel, histoire de sauver sa peau par la même occasion.
Un film aux multiples genres
Ses rencontres souvent involontaires avec l'assaillant sont pleines de danger ; le genre du thriller apparaît réussi. Les meurtres sont froidement exercés, fruits d'un tueur déterminé et fringuant : imperméable, gants noirs, couteaux et rasoirs. Le genre horrifique prend ainsi lui aussi ses aises et propose des scènes de crime efficaces, dignes des films nés par la suite chez De Palma, notamment dans Blow Out (1981) avec John Lithgow.
En résumé, il ressort du long-métrage de Dario Argento une véritable homogénéité des genres. Stimulante à bien des égards, elle est permise par un visuel habile. La caméra, maline, ne montre que ce qu'elle veut et fait la part belle aux amorces du tueur dans le cadre. La mise en scène, globalement, met en valeur les frontières spatiales et nous provoque quelques frissons à l'idée de franchir un nouvel espace. Qu'il y a-t-il derrière ? Si un certain formalisme court dans tout le film, l'image devient vivante quand, tout à coup, une séquence nous confronte à une maison de campagne sans porte. Le bâtiment, ouvert à l'extérieur par une fenêtre à l'étage, ne dispose que d'une échelle qui tombe sans crier gare pour y accéder. La situation est saugrenue et résistera certainement à l'oubli. C'est tout ce qu'on demande d'une mise en scène.
Des complexités vite expédiées
Cependant, à l'instar de l'insertion dans l'histoire de l'Hornitus Nevalis ("l'oiseau au plumage de diamant"), certaines idées laissent le sentiment d'intervenir comme un cheveu sur la soupe. Mais la logique narrative demeure et il n'y a rien à redire globalement du récit.
Ce qui serre au fond légèrement le cœur, c'est le final. Quand le meurtrier est enfin retrouvé, on s'attend comme pour chaque film policier à connaitre ses motivations. Hélas, tout en arguant une raison psychologique à sa pulsion criminelle, la cause de ses gestes est expliquée à la va-vite, en même temps que le générique de fin apparaît. Cette fin, que les plus indociles qualifieraient de bâclée, laisse également planer un mystère quant à certains enchaînements de l'histoire. Les a-t-on bien compris ? Ne pas chercher à tout comprendre, se laisser porter par l'aventure. Voilà le vœu d'Argento.
L'Oiseau au plumage de diamant de Dario Argento ressort en salle le 27 juin 2018 en version restaurée. Ci-dessus la bande-annonce.