CRITIQUE FILM - Pour son tout premier long-métrage, Jordana Spiro laisse de côté le métier d'actrice et s'attarde plus sérieusement derrière la caméra. En plein cœur de la Philadelphie, Angel et sa sœur Abby vont s'engager dans un chemin introspectif sous forme d'aller-simple. Fruit d'une réflexion débutée en 2009, "Long Way Home" est d'autant plus minimaliste que touchant, bien qu'un poil trop pudique.
Cette histoire pesait sur la conscience de Jordana Spiro depuis bien longtemps. En 2009, elle n'a qu'une trentaine d'années lorsqu'elle s'engage pour la première fois au sein de l'association "Peace4Kids", qui s'engage à aider les familles d'accueil et orphelins sans foyer. De cette expérience, elle en tire un léger traumatisme, une envie soudaine de s'indigner contre l'injustice sociale qui règne, d'autant plus au sein des quartiers défavorisés américains. De cette idée germe un synopsis, quelques images, puis un film. Son premier.
Spiro laisse de côté un temps son métier d'actrice (on l'a notamment aperçu dans Cold Case, Dexter et Ozark) et se procure une caméra, rassemble une équipe. Long Way Home agit comme une véritable bulle d'oxygène pour la cinéaste, qui immortalise en image cette fascination pour l'indépendance. Présente lors d'une projection de son film, elle confiait :
Je suis toujours autant admiratrice de ces enfants, ces jeunes âmes qui ne perdent jamais espoir. Même s'ils sont seuls, voués à eux-mêmes, leurs yeux ne cessent de pétiller. Ils n'arrêtent jamais de rêver. Ça m'émeut beaucoup.
Les yeux humides mais toujours souriante, Spiro parle de son premier film comme d'un accomplissement de toute une vie. Elle y a mis toute sa force et cela se ressent, dès la première image. Long Way Home débute comme il se termine : sur Angel (Dominique Fishback), sa protagoniste. Présente sur presque chaque plan, l'héroine - qui sera rejointe par sa petite sœur (l'émouvante Tatum Marilyn Hall) - est au cœur (littéralement) du propos. La caméra de Spiro ne la lâche jamais. La cinéaste gère le flou avec dextérité, agissant comme le subconscient de son personnage. Rarement une réalisation aura été aussi appuyée pour retranscrire les sens. L'ouïe, la vision, tout est du point de vue d'Angel, qui entre assistants sociaux et rencontres inopinées, tente de retrouver son père.
La jeune femme n'arrive pas à se mettre dans les rangs : "Dès que je veux tenter quelque chose, il y a toujours un truc pour se mettre en travers de mon chemin", déplore-t-elle dans le dernier tiers du film. Le spectateur, quant à lui, contemple ce road trip avec une totale empathie, même si le chemin n'est pas si sinueux que cela.
Un propos en premier plan
Long Way Home est très certainement un film portée par ses deux personnages féminins. Jordana Spiro ne tombe jamais dans le cliché. Celui de mettre en avant Angel, uniquement parce que c'est une femme marginalisée, d'abord par sa couleur de peau, puis par son orientation sexuelle. Non, la cinéaste préfère s'attarder sur l'aura du personnage, son caractère trempé qui en fait sa grande force. Spiro s'explique :
Angel représente une grande partie des enfants que j'ai pu rencontrer, notamment à Los Angeles. Leurs traits de personnalités sont intéressants mais j'ai préféré ne jamais en faire un prétexte pour s'y attacher. Angel veut réussir sa vie, c'est ça, son but.
En filmant ce petit voyage d'1h20, Jordana Spiro laisse la tendresse de la simplicité s'immiscer dans son scénario. En jouant la carte du réalisme, Long Way Home tangue donc vers le documentaire et se permet très peu de moment de pur cinéma, procédant par étapes. Trop démonstratif, le film ne provoque que rarement la surprise. C'est finalement dans sa simplicité que Long Way Home pêche un peu. Mais pour son honnêteté, tout est pardonné.
Long Way Home de Jordana Spiro, en salle 13 février 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.