CRITIQUE / AVIS FILM - "Magnificat", premier long-métrage de Virginie Sauveur, embarque brillamment le spectateur dans une enquête hors du commun et la révélation d’un secret qui interroge foi et genre. Avec Karin Viard et François Berléand.
Pénétrer dans le monde calfeutré de l'Église
Avec Magnificat, la réalisatrice Virginie Sauveur et son coscénariste Nicolas Silhol invitent avec délicatesse le spectateur à pénétrer dans un univers sacré. Un univers feutré préservé du monde extérieur, déjà exploré de façon magistrale dans la série Ainsi soient-ils ou le long-métrage Grâce à Dieu. Magnificat, dont le titre est donné en référence à la prière de la Vierge Marie, est quant à lui librement inspiré du roman Des femmes en noir d’Anne-Isabelle Lacassagne.
Le film suit au plus près Charlotte (Karin Viard), chancelière du Diocèse de Paris. Sa secrétaire Anne (Anaïde Rozam) vient de lui apprendre le décès de Pascal, prêtre estimé de Saint-Laurent. Mais ce décès n’est pas tout à fait comme les autres. Et le docteur Grammel (Patrick d’Assumçao) veut s’assurer que Charlotte saisit bien tous les termes du certificat qu’il doit signer. Car Pascal se révèle être une femme, qui s’est faite passer pour un homme.
C’est la consternation pour Charlotte, qui doit partager ce lourd secret avec l'Archevêque Monseigneur Mevel (François Berléand) et l’Evêque Auxiliaire (Patrick Catalifo), par ailleurs exécuteur testamentaire de Pascal. Magnificat met brillamment en scène les réactions des uns et des autres, parfois au travers de leurs seuls visages et silences. La sidération cède vite la place à la colère de s’être fait berner et l’humiliation de n’avoir rien soupçonné. Les stratégies sont rapidement décidées pour éviter que ce secret soit révélé aux pratiquants et au grand public. Un mensonge en couvre un autre.
Seule Charlotte cherche à comprendre les raisons qui ont mené Pascal à ce choix et aux stratégies qu’il a déployées pour parvenir à assouvir sa vocation. L’enquête que Charlotte décide de mener à l’insu de ses supérieurs est passionnante et digne d’un polar. Car la réalisatrice embarque le spectateur dans les dédales de la jeunesse de Pascal et les fondements de son secret. La mise en scène non linéaire du récit apporte du dynamisme aux pistes que suit Charlotte. On s’accroche ainsi à la recherche compliquée des proches du prêtre. On est déçu de ne pas retrouver la trace de certains et frustré face à ceux qui refusent de se livrer.
En écho à la Papesse Jeanne
En parallèle, l’Auxiliaire fouine, débusque et ne se remet pas de ses découvertes. D’un côté, l'enquête à charge d'un homme qui s’insurge et se raccroche à l’Evangile et aux règles. De l’autre, l'enquête d'une femme croyante, tolérante et empathique, qui a compris que l’Église doit changer son point de vue. Et les deux permettent d’assembler habilement les pièces du puzzle.
La réussite de Magnificat tient aussi en sa capacité à faire saisir au spectateur ce qui se joue en toile de fond, même s’il n’est pas catholique ou concerné par la religion. À savoir, l’évolution de l’Église face à la diminution du nombre de fidèles et le maintien de son interdiction d’ordonner des femmes prêtres. Car le film interroge subtilement sur ce qu’est la foi de nos jours, comment elle s’exprime et se ressent. Ainsi que sur l’humanité dont promettent de faire preuve ceux qui ont voué leur vie à Dieu.
Si Charlotte est tant touchée par cette histoire, c’est qu’elle cache elle aussi un secret et les fêlures résonnent en elle. Son fils de 15 ans Thomas (Maxime Bergeron) est mal dans sa peau et cherche des réponses. Les retrouvailles salutaires de Charlotte avec Jérémy (Nicolas Cazalé), prêtre dans une communauté des gens du voyage, permettent également une autre immersion dans un univers fermé.
Les scènes personnelles sont un peu moins convaincantes que celles de la résolution de l’énigme de Pascal. Mais le film partage très bien comment percer le secret de Pascal et assumer le sien vont mettre Charlotte sur le chemin de son émancipation. Grâce à un casting exceptionnel de retenue, Magnificat se révèle donc un film bouleversant, abordant remarquablement la force vitale qui anime les êtres de foi.
Magnificat de Virginie Sauveur, en salle le 21 juin 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.