CRITIQUE / AVIS FILM - Pour son premier long-métrage en tant que réalisatrice, la scénariste de "A Taxi Driver" s'intéresse avec "Mal.Mo.E : The Secret Mission" à l'occupation japonaise durant la Seconde Guerre mondiale, et plus particulièrement au sauvetage de la langue et de l'identité coréenne par un petit groupe d'individus.
Après avoir assuré le scénario d’A Taxi Driver, qui évoquait le soulèvement de Gwangju en 1980 (révolte étudiante contre la dictature), Eom Yuna s’attaque pour sa première réalisation à un autre sujet historique. Dans Mal.Mo.E : The Secret Mission, cette fois, il est question de la Seconde Guerre mondiale, durant l’occupation japonaise. Durant cette période, l’envahisseur tenta de remplacer la langue coréenne par le japonais, en l’interdisant dans les écoles, puis en empêchant la création d’un dictionnaire de coréen, que tenta de mettre en place la Société de la Langue Coréenne. C’est sur cet élément et ce groupe que se concentre le film.
Un drame historique étouffé par les bons sentiments
Comme avec A Taxi Driver, dans Mal.Mo.E, tout part d’un homme qui semble peu soucieux de ce qu’il se passe dans son pays. Petit brigand occasionnel, Pan-soo tente un jour de dérober la sacoche d’un passant. Sauf que celui-ci n’est autre que Jeong-hwan, fils d’une riche famille coréenne pro-japonaise qui tente malgré tout, avec la Société de la langue coréenne, de préserver l’identité de son pays. Sa sacoche contenant des éléments importants du futur dictionnaire coréen, il ne se laisse pas faire. Devant sa persistance à récupérer son bien, Pan-soo finit alors par lui redonner. Mais une ancienne connaissance, officiant également au sein de la Société de la langue coréenne, le reconnaît et lui propose de venir travailler avec eux.
Sans grande originalité, Eom Yuna présente un personnage en apparence peu scrupuleux qui va devoir prouver sa valeur, principalement à Jeong-hwan qui le considère comme un moins-que-rien, dangereux même pour ce qu’ils souhaitent entreprendre. De plus, pour s’assurer de nous attendrir, la cinéaste fait de Pan-soo un illettré, qui profitera de son nouvel emploi (qui consiste à faire les courses des membres de l’organisation) pour apprendre à lire et écrire, révélant ainsi son humanité. De l’émotion facile, qui va de pair avec une caractérisation évidente des personnages : dans Mal.Mo.E les gentils restent bons ou excusables, et les méchants japonais restent tyranniques. Le tout, avec une bonne dose de légèreté et d’humour, pour en faire une œuvre très grand public. Dommage qu’il faille en plus en passer par une réalisation académique au possible. Tout devient alors prévisible, rien ne dépasse, si ce n’est quelques choix de montage étranges avec des coupures parfois approximatives.
En cela Mal.Mo.E ne demande que peu d’effort à son spectateur, le maintient dans une zone de confort à chaque instant, même lors d’actes de violences. Pourtant, le sujet est fort. Et devient passionnant dès lors que se pose des questions sur les mots. Quel terme employer étant donné toutes les variantes qui existent selon les régions ? De même que la mise en lumière des actions japonaises durant la guerre est toujours pertinente. Rappelons que le pays refuse toujours d’admettre certains méfaits durant la guerre. Et il est intéressant de voir que la colonisation passe également par un contrôle du langage pour supprimer l’identité d’une nation (par sa langue, mais également par les noms, changés au profit de noms japonais). Dès lors, il est dommage de voir ces éléments rester en surface durant le film pendant que Eom Yuna se focalise sur l’évolution de la relation entre Pan-soo et Jeong-hwan, qui deviendront évidemment amis et solidaires. Une certaine paresse scénaristique conjuguée à une absence de proposition cinématographique finissant, à la longue, par rendre Mal.Mo.E redondant.
Mal.Mo.E : The Secret Mission de Eom Yuna, présenté lors du 14e festival du film coréen à Paris. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.